Les Gazelles

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Cours petite gazelle ! Cours sur les terres de la comédie française !

La comédie française, paniquée par ses récentes remises en question venues de toute part (surtout du public…), regarde aujourd’hui davantage de l’autre côté de l’Atlantique pour s’inspirer des nouvelles tendances, en manque totale de confiance en soi. Après le succès surprise de Mes Meilleures Amies (en 2011 déjà), une vague de films de « bande de filles » éclabousse les salles françaises ces derniers mois (le temps de les produire, quoi). A coup sûr, Jamais le premier soir, c’est finalement au bout de ce désert sans saveur ni réel intérêt que Les Gazelles viennent montrer le bout de leur museau, offrant une oasis salutaire autour d’un sujet bien traité, avec humour, mais pas que.

La gazelle principale, c’est Camille Chamoux. Elle interprète une trentenaire qui décide de mettre fin à une relation amoureuse longue de quatorze ans et d’annuler son compte commun pour se retrouver et enfin vivre une vie qui n’a jamais vraiment commencé. Oui mais voilà, après une rupture, le cheminement pour sa réhabilitation personnelle est loin d’être tout rose et c’est en s’intéressant à cela que le film trouve son originalité. Les Gazelles n’est pas une comédie romantique, c’est un voyage chaotique de femmes à la recherche de leur identité. Parfois elles se trompent, elles tentent, elles choisissent, elles expérimentent dans le but ultime de trouver leur meilleur équilibre. Des choses que l’on voit exclusivement au cinéma à travers un point de vue masculin. Eh oui, il existe aussi des femmes qui savent pécho mais qui galèrent en amour.

Les Gazelles est une comédie un peu à part, qui ne montre pas le Paris des grands appartements habités par des personnages overbookés mais qui ne travaillent jamais. La lumière est sombre, les rues nocturnes peuplées de gens louches, les vannes ne sont pas disposées en conclusion de scènes mais à l’intérieur de celles-ci leur donnant du sens, c’est bien un film au traitement réaliste auquel on assiste. Enfin.
Cela dit, ce qu’on gagne en empathie et profondeur, on le perd un peu en humour. On en sort presque frustré que certaines séquences de comédie ne soient pas plus étirées et que la justesse verbale de ces gazelles ne soit pas plus exploitée. Les gazelles, parlons-en. Les personnages secondaires sont campés par ce qui se fait de mieux en terme d’actrices marrantes : Joséphine de Meaux, Audrey Fleurot, Naidra Ayadi, Olivia Côte, Camille Cottin, Josiane Balasko et la trop rare Anne Brochet, parfaite en guide spirituelle alcoolisée. Les acteurs sont tout aussi pertinents (Franck Gastambide, David Marsais, Grégoire Ludig) mais sont clairement sous-utilisés. L’histoire raconte la recherche d’affirmation personnelle de femmes, de fait les personnages masculins sont moins traités. Un parti pris logique et pas si inintéressant. Au contraire, en présentant une gent masculine vaine et sans espoir, le film s’affirme et s’éloigne des codes primaires des comédies romantiques. N’espérez pas voir de happy end sous forme de mariage superficiel.

Les Gazelles est une comédie imparfaite et nécessaire, étonnante et juste, inspirée et hésitante. Rare, donc.

Titre original : Les Gazelles

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Durée : 99 mn


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