La canicule frappe l’hexagone, la capitale phocéenne forcément pas en reste avec 46 degrés au compteur. De quoi donner des envies à trois jeunes femmes qui peuvent, de leur balcon, admirer l’éphèbe peu pudique de l’immeuble d’en face. Mais il y a des rencontres qu’il vaudrait mieux éviter sous peine que les chauds fantasmes d’un soir se transforment en sueurs froides matinales. Si Ruby, cam-girl (Ouheila Yacoub), Nicole, écrivaine en herbe (Sanda Codreanu) et Élise, actrice Noémie Merlant) n’ont pas froid aux yeux, elles ne sont pas préparées pour autant à affronter l’horreur. On s’arrêtera ici dans notre exposé des faits, pour ne pas éventer un scénario – que Noémie Merlant a coécrit avec Céline Sciamma – peu avare de chocs et de surprises.
Derrière la caméra, Noémie Merlant fait feu de tout bois. Un incipit coup-de poing sur le balcon d’une voisine. Une présentation tonitruante, punchy, à la mode Tarantino , colorée à la sauce Almodovar des trois femmes au bord de la crise de nerf. La saturation des couleurs rappelle également celle de la movida. L’excitation se mue un peu trop systématiquement en hystérie, la caméra au diapason de l’effervescence des comédiennes dont le surjeu volontaire peut provoquer plus d’irritation que d’empathie dans les premiers temps.
La réalisatrice n’a pas peur du mauvais goût, et tant mieux, même si ses gags gores et trashs ne choqueront pas un public rompu aux débordements et écoulements en tout genre. Car, comme l’analysait Lucas Luisinier dans son article sur Apatow, quand un type d’humour s’étend dans un genre – c’est le cas depuis quelques temps déjà dans le gore – au bout d’un moment il perd de son impact subversif. On appréciera cependant l’ énergie déployée pour nous plonger dans un univers où l’absurde se mêle au fantastique. Quand le trop plein de mouvements perpétuels se fait sentir, la mise en scène à l’intelligence de changer de registre. les scènes les plus glaçantes sont celles d’Élise chez son gynécologue ou dans l’intimité avortée avec son mari.
Tout le récit est destiné à dénoncer les violentes faites aux femmes qui refusent d’assouvir les volontés des mâles suprématistes. Le gros beauf de l’immeuble, le beau gars imbu, le mari faussement attentionné, le caissier dragueur … aucun personnage masculin ne voit ses travers épargnés – y compris par la caricature. Acculées dans leurs retranchements, les trois jeunes femmes n’auront pas peur de tailler dans le vif de la chair masculine. Cependant, il ne s’agit pas d’un prosaïque règlement de comptes, certes prêtes à en découdre, l’envie de recoudre le lien, et plutôt qu’un cri de rage ravageur, la révolte légitime des Femmes au balcon résonne comme une marche vers la libération. La dernière partie du film, très réussie, légère et surréaliste ouvre de belles perspectives.