L’Enquête

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Un film en forme d´hagiographie du journaliste Denis Robert.

Tout le monde se souvient, ou presque, de l’affaire Clearstream mais bien malin qui pourrait l’expliquer voire la résumer sans terminer par le traditionnel « enfin bon, c’est compliqué ». En effet : comptes bancaires dissimulés, frégates taïwanaises et présidentiables sur faux listings, démêler cette histoire est aussi délicat qu’une partie de Mikado, en plus dangereux. Denis Robert, l’homme par qui le scandale est arrivé, l’a expérimenté à ses dépens, en sonnant la charge contre cette finance-là, cet ennemi de l’ombre. C’est ce combat solitaire, le journaliste fut alors lâché ou critiqué par ses confrères, que raconte Vincent Garenq dans L’Enquête.

Entre Présumé coupable (2011), son premier film sur l’affaire d’Outreau et Kalinka, son prochain film sur l’affaire Dieter Krombach, il paraissait logique qu’il s’intéresse à ce que l’on a surnommé l’Affaire des Affaires ainsi qu’à Denis Robert, lui qui a toujours été indigné par l’injustice. Comment un financier qui vole deux milliards est condamné à six mois de prison alors qu’un vol d’autoradio vaudra deux ans ferme au commun des mortels, se demandait-il quand il était adolescent. Il le reconnaît, c’est un peu naïf. Cette même naïveté qui lui fait dire dans le dossier de presse, et lui fait croire, que « quand on s’inspire du réel, on se met à l’abri des clichés ». L’Enquête, basé sur des faits réels, est donc garanti sans gros morceaux de clichés dedans. Sans gros plans sur des mallettes remplies de billets, sans musique emphatique envahissante, sans fête d’anniversaire de gosses insouciants alors que papa a de gros problèmes. Bon, peut-être n’avons-nous pas la même définition du mot « cliché ».

 

Et après tout, ces clichés justement que l’on retrouve le plus souvent dans les films de gangsters, pourraient très bien se justifier ici, sans qu’il y ait à en avoir honte. Les choses obscures, comme le monde impitoyable des banques, il vaut mieux les rendre attractives à défaut de les rendre intelligibles ; alors on en fait des thrillers, on créé du suspense là où il n’y en a aucun (le Luxembourg va-t-il coopérer ?) et dans le meilleur des cas, ça donne le génial Margin Call (J.C Chandor, 2011). Qui plus est, le réalisateur n’a pas appelé son film Une enquête mais L’Enquête ; ça claque, elle est ultime, elle est définitive, tout comme l’affiche qui nous montre cet homme seul, dos à une meute de journalistes donc à la doxa qui le condamne et l’ostracise. C’est formidable, c’est Douze hommes en colère (Sidney Lumet, 1957). Ou, pourquoi pas, Les Hommes du président (Alan J. Pakula, 1976) dont Garenq a voulu se rapprocher, du moins formellement, dans le grain d’une image obtenue caméra à l’épaule filmant des scènes aux lumières naturalistes.

Finalement, rien de tout cela. Ni thriller, ni film de gangster car ce qui intéresse le cinéaste n’est pas tant l’affaire Clearstream en elle-même que le combat personnel d’un homme en quête de justice et de vérité. Avant, la véritable identité de Zorro, c’était Don Diego de la Vega. Aujourd’hui, qu’on se le dise, derrière le masque du renard rusé se cache en fait Denis Robert. Baskets aux pieds, qu’il pose volontiers sur son bureau de Libé (cool), sa Saab décapotable a remplacé Tornado qui n’avait pas d’autoradio pour écouter du rock, cheveux au vent (archi cool). Il s’agit ici de démontrer que ce héros des temps modernes n’est pas qu’un lanceur d’alertes mais aussi un père de famille qui a subi les représailles de ceux-là même qu’il cherchait à neutraliser. Malheureusement, les scènes familiales sont les moins réussies du film car déjà vues mille fois et on ne se rappelle même plus si sa femme et ses filles ont des prénoms.

 

Vincent Garenq s’intéresse à Denis Robert qui s’intéresse à Clearstream et nous dans tout cela, ce ne sont pas les comptes secrets ou l’enquête qui nous intriguent, mais celui qui a sciemment perverti toute cette affaire : Imad Lahoud. Lui qui a saboté l’investigation, permis la diversion avec la création des faux listings, tout cela sans aucun motif à part peut-être celui d’exister. Là, oui, nous sommes curieux : qui ? Comment ? Pourquoi ? Lahoud a tout pour être un vrai personnage de cinéma mais Vincent n’a d’yeux que pour Denis.
Si à l’arrivée, on a toujours rien compris à Clearstream (mais que diable ces frégates allaient-elles faire dans cette histoire ?), qu’on s’est ennuyé, il n’en reste pas moins que le jeu des acteurs qui évite les sourcils trop froncés, les regards en biais et les clins d’œil conspirateurs, reste convaincant.

Titre original : L'Enquête

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Durée : 106 mn


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