Le renouveau du cinéma israélien en France

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Depuis quelques années, les films israéliens se font remarquer dans les festivals internationaux et occupent de plus en plus régulièrement l´affiche des cinémas français. Après l´Iran, l´Argentine, la Corée, ou encore la Roumanie, c´est donc au tour d´Israël de s´imposer sur la scène du cinéma mondial.

Valse avec Bachir, le film d’animation du réalisateur israélien Ari Folman, qui met en scène ses souvenirs de l’invasion du Liban en 1982, vient d’être élu samedi 3 janvier 2009 à New York meilleur film de l’année 2008 par la Société nationale des critiques de films américains. Le palmarès de la Société nationale des critiques de films est considéré comme l’un des baromètres des Oscars, qui se tiendront le 22 février prochain. Cette consécration est vue par beaucoup comme un juste pied de nez car le film, unanimement salué par la critique et sélectionné en compétition officielle au dernier festival de Cannes, est reparti bredouille et n’a pas dépassé le seuil symbolique des 500 000 entrées en France en 2008.

En 2007 déjà, deux films israéliens se sont distingués au festival de Cannes : Les méduses d’Etgar Keret, qui a reçu la Caméra d’or et La visite de la fanfare, d’Eran Kolirin, qui a été retenu pour Un certain regard. En 2008, Joseph Cedar a reçu l’ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin pour son film Beaufort, quand Les sept jours, de Ronit et Shlomi Elkabetz, a fait l’ouverture de la semaine de la critique à Cannes en 2008.
L’année 2008 a surtout été un grand crû pour les films israéliens dans les salles obscures françaises : Beaufort (Joseph Cedar), Les citronniers (Eran Riklis), Désengagement (Amos Gitaï), My father, my Lord (David Volach), Valse avec Bachir, Les sept jours (Ronit et Schlomi Elkabetz), Mes plus belles années (Reshef Levy) : autant de films toujours réussis qui ont su montrer différentes facettes d’Israël. Dès le 21 janvier, Plus tard tu comprendras, le nouveau film d’Amos Gitaï avec Jeanne Moreau et Hippolyte Girardot, ouvre le bal 2009.

    

                                     

Comment expliquer ce renouveau du cinéma israélien ?

Il semble déjà qu’il y ait une réelle volonté de l’Etat d’aider le septième art national. Le cinéma israélien est de plus en plus soutenu financièrement par le gouvernement et par les producteurs étrangers, notamment la France et l’Allemagne.
Une loi votée en 2000 octroie une aide annuelle de 12 millions d’euros pour la production des films israéliens, ce qui a permis au nombre de longs métrages de doubler entre les années 90 et 2000.
Le nombre de coproductions internationales a lui aussi augmenté. En 2007, près de la moitié des films israéliens ont été réalisés en coproduction. La France est l’un des pays les plus présents dans le cinéma israélien, et les accords de coproduction avec Israël (qui avantagent financièrement les deux parties) ont permis aux deux pays de réaliser une trentaine de films en binôme entre 2000 et 2008. Israël est en sixième position des pays coproducteurs de films avec la France, derrière les pays européens limitrophes. Récemment, Les citronniers, Les sept jours, Valse avec Bachir, ou encore Plus tard tu comprendras, sont des exemples des coproductions franco-israéliennes. Amos Gitaï est d’ailleurs l’un des premiers réalisateurs à profiter des soutiens français, et a coproduit de nombreux films avec la France.

 

     
 
Au-delà de cet aspect économique, le cinéma israélien semble avoir trouvé un nouveau souffle, une nouvelle liberté. Les films sont ouverts à des sujets plus larges et ne se cantonnent plus aux enjeux très politiques et militants qui les rendaient parfois peu accessibles. C’est ce qu’explique la sublime Ronit Elkabetz, actrice principale de La visite de la fanfare, et réalisatrice de Prendre femme ou Les sept jours : «Jusqu’alors le cinéma israélien ne marchait pas en Israël : trop intellectuel, trop politique. On vit tous les jours ces choses-là à la télé et à la radio, on n’en peut plus. »
Dans les années 1950 et 1960, le cinéma israélien est très identitaire, empreint d’accents héroïques et épiques. Les années 1980 ont vu naître des films plus sociaux, plus réalistes, notamment avec les fictions et les documentaires d’Amos Gitaï. Dans ses films, le réalisateur est toujours engagé : il critique les excès de la société juive (notamment dans Kadosh, où il dénonce la misogynie des Juifs orthodoxes), ou montre la réalité de la guerre, de l’exil (Journal de campagne, documentaire très polémique sur l’invasion du Liban ou Kippour, fiction sur la guerre de Kippour). Ces critiques et appels à la paix lui valent d’ailleurs des ennemis en Israël, et Gitaï s’est vu retirer l’apport de la télévision publique dans la production de son dernier film, Désengagement, qui évoquait le sujet épineux du retrait des colons juifs de la bande de Gaza.

 

     

Depuis les années 2000
, parallèlement à ces films engagés, on peut voir en Israël un cinéma plus intimiste, plus personnel, qui essaie de rentre compte de la complexité de la société multicuturelle israélienne.
Etgar Keret et Shira Geffen, les réalisateurs des Méduses (sorti en France 2007), se fondent totalement dans ce mouvement : « On ne voulait pas faire un film israélien, hyper réaliste, sur fond de conflit ou d’Holocauste, mais raconter la vie ici, et nous exprimer par des métaphores, le moyen le plus puissant de montrer la réalité. » Dans ce film qui flirte avec l’absurde, trois jeunes femmes doivent faire des choix face aux imprévus de la vie.
Dans The bubble (sorti en 2007), le réalisateur Eytan Fox évoque les thèmes de la liberté et de la sexualité en suivant un groupe de jeunes (israéliens et palestiniens) à Tel Aviv, qui cherchent à se créer une bulle à l’orée des conflits.
Dans Les Sept jours, les frère et sœur Elkabetz dévoilent les vices de la société israélienne en filmant en huis clos les règlements de compte d’une famille qui se recueille durant sept jours auprès d’un des leurs, qui vient de mourir.
Avec Valse avec Bachir, Ari Folman nous confronte certes à l’invasion israélienne du Liban et aux massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, mais aborde avant tout la question de la mémoire sélective, liée aux traumatismes de la guerre et à la culpabilité d’avoir participé (activement ou passivement) à ces massacres. C’est davantage une valse psychanalytique que journalistique.
Même Amos Gitaï pose les armes, en filmant dans Plus tard tu comprendras un père de famille parisien qui tente de rompre le silence de sa mère sur le sort de ses parents juifs déportés pendant la seconde guerre mondiale.
Autant de films qui tentent de raconter des trajectoires plus personnelles, des histoires, des secrets, des souvenirs. La politique n’est jamais oubliée (comment le pourrait-elle ?), mais elle est filmée différemment, avec plus d’intimité, et en devient peut-être plus accessible, ou en tous cas à un plus grand nombre.

Avec les accords de coproduction et la prolifération des nouveaux talents israéliens, le cinéma israélien a donc de beaux jours devant lui en France et dans le monde. Ne reste plus qu’à dire "Mazal Tov" et à entrer dans la valse !

     



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