Les enfants, ceux à l’écran et ceux dans la salle, ont grandi. Michael Apted, nouvellement aux commandes de la saga pour la Fox (au vu des recettes du deuxième épisode jugées trop peu élevées, Disney a lâché son bébé), a donc mis le cap sur l’aventure : plus d’aventure, beaucoup plus. A tel point qu’il a fait de Narnia un objet bâtard à mi-chemin entre Indiana Jones version dernière croisade et Pirate des Caraïbes, mais sans le talent comique de Johnny Depp et la main de fer de Bruckheimer. Le plus troublant dans ce troisième volet, c’est l’hésitation constante qu’il y a devant les spécificités mêmes de la saga : la magie, l’animisme et l’anthropomorphisation qui va avec. Que voit-on à l’œuvre dans les précédents volets ? Un conte fantastique où le but est de donner la parole et de jouer de la confrontation de tous êtres et de toutes choses : une armoire avec un double-fond génial, des satyres, des centaures, des souris et des loirs qui parlent, un lion paternaliste, une sorcière enneigée, ou encore des arbres qui se battent. Or ici tout cela est réduit au maximum et à de purs effets comiques : soit la confrontation entre le nouveau venu, le cousin machin, aux us et coutumes du monde de Narnia version « Ciel des animaux qui parlent ! Je m’évanouis ». Même si ce choix porte en lui quelques bienfaits (et donne au film une scène proprement hilarante), on peut regretter le refus quasi-total du merveilleux dans le film alors qu’il faisait tout l’intérêt de l’adaptation de la saga. L’une des rares séquences pleinement réussies, celle de la maison de l’Oppresseur, est d’ailleurs celle qui se rapproche le plus des précédents opus.
Le choix de la rupture de ton dans une série déjà bien établie n’est pas problématique s’il est maîtrisé et judicieux – voir en ce sens le nouvel élan enthousiasmant, mais sans doute ultime, du dernier Harry Potter qui en se concentrant sur ses personnages plutôt que sur l’action parie, une fois n’est pas coutume, sur l’intelligence du spectateur. Dans ce Passeur d’aurore, moins par moins égale plus. Moins de merveilleux, moins de personnages, mais plus d’action. Même quand il n’y en a pas ! On se bat donc pour le plaisir dans Narnia, au moins ça occupe. Le film est une longue collection de situations d’occupation vite expédiées entre deux scènes d’action. Un court passage par l’île de la tentation servira de rebond au réalisateur dès qu’il faudra meubler l’écran jusqu’au grand assaut final désespérément ridicule. Fin psychologue, Michael Apted organise une dialectique expéditive de la relation de chaque personnage à la tentation qui lui est propre et qui peut se résumer en : la tentation, c’est mal.