Le Festival Nouveau Cinéma de Montréal

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Compte rendu de ce festival qui se déroulait du 9 au 20 octobre.

Pour sa 48 ème édition, le Festival du Nouveau Cinéma de Montréal accueillait cette année pour la première fois un jury Fipresci. C’est à ce titre que j’ai eu le plaisir d’y participer et de pouvoir encore une fois apprécier le charme de la Belle Province et la gentillesse de ses habitants. C’est la même chose d’ailleurs à l’intérieur de ce grand festival, en taille avec quelque 350 films projetés en dix jours, et en zénitude. Ici, ne cherchez pas la furie cannoise, tout se passe de façon très cool : pas de tapis rouge, pas de photographes, pas de photo call ni de dress code. Vive le Québec libre ! Le film d’ouverture nous a permis d’avoir des nouvelles fraîches d’Atom Egoyan, réalisateur canadien d’origine arménienne, qui était présent avec sa femme, Arsinée Khanjian, et son nouveau film accueilli de façon mitigée pourtant, Guest of honor, mais qui pose de nombreuses et intéressantes questions sur la famille et les origines. Le film de clôture est un beau documentaire canadien de Roger Frappier et Justin Kingsley, Chaakapesh, qui raconte l’aventure de la création d’un opéra en hommage aux premiers peuples comme on dit maintenant, sous la baguette du Maestro, Kent Nagano, à la tête de l’Orchestre Symphonique de Montréal. Ces deux films, et quelques autres du Panorama international, étaient hors compétition sinon les jurys n’ont pas chômé avec chacun quelque vingt films à débattre, et plus du triple pour les courts métrages.

 

Beanpole de Kantemir Balagov

Le festival, comme son nom l’indique, fait la part belle au Nouveau cinéma, concept assez difficile à comprendre. Mais il vous suffit d’arpenter les quelque vingt salles disponibles du centre ville, du complexe multisalles à la Cinémathèque du Québec, en passant par la très belle salle historique de l’Imperial ou de Maisonneuve, pour s’en faire une idée. Le nouveau cinéma c’est souvent provoc’, parfois barbant, mais toujours intrigant. Montréal se pique de l’être à divers titres et prépare déjà sa 49 ème édition avec des projets fous, fous, fous. Outre la Compétition internationale qui propose une vingtaine de films dont certains ont été aperçus ou honorés à Cannes, une compétition nationale nous fait découvrir le nouveau cinéma canadien et on peut vous dire qu’il n’est pas seulement constitué de Xavier Dolan malgré son immense talent. D’autres sections comme Temps, Les nouveaux alchimistes (c’est là qu’on cueille le plus strange du Nouveau cinéma), Les petits loups et les Rencontres pancanadiennes du cinéma étudiant, on trouve aussi les Incontournables qui nous proposent des auteurs aussi divers et variés que Costa-Gavras (présent pour son nouveau film, Adults in the Room, et une master-class) et Pedro Almodovar avec Douleur et Gloire qui mérite d’être vu et revu en fait, mais aussi Atlantique de Mati Diop ou encore les frères Dardenne pour Le jeune Ahmed, Cronenberg avec la ressortie attendue de Crash ou encore Agnès Varda et un petit hommage, Ken Loach avec Sorry, we missed you ou le nouveau film de Yann Arthus Bertrand et Anastasia Mikova, Woman, en exclusivité dans le Panorama international et qui a trouvé un distributeur au Canada, apparemment ce n’était pas joué malgré son sujet si féministe et si à la mode !

On ressort de ces dix jours de fête du cinéma repu, mais pas dégoûté du cinéma, d’autant que le festival a permis de revoir quelques Jean-Pierre Mocky, of course, mais de découvrir un étrange trublion québécois, André Forcier, à qui le festival a remis un prix spécial, tout comme à Costa-Gavras du reste, et dont on a pu découvrir le dernier-né, Les fleurs oubliées et un ovni inclassable de 1977, Leau chaude, leau frette. De ce beau festival, il nous restera la courtoisie des spectateurs, et des pépites qu’on recommande pour ceux qui auront bien sûr le bonheur de croiser leur route, comme Lacrobate de Rodrigue Jean, un peu hard mais touchant ; Antigone de Sophie Deraspe, un peu naïf mais profond ; La rivière sans repos de Marie-Hélène Cousineau, qui revisite les réserves des Inuits d’un point de vue féministe ; ou encore Vidéophobia de Daisuke Miyazaki, et tant d’autres qu’on ne peut ni tous citer, ni tous voir même en veillant très tard.

Ce fut aussi une cuvée très féministe, on s’en doute. En effet, en ouverture du festival, le directeur, Nicolas Girard Deltruc, par un sobre discours, a annoncé que le festival du Nouveau Cinéma voulait mieux faire que le festival de Cannes par exemple, en matière de parité hommes femmes. Et c’est en effet très réussi car, hormis la composition du staff du festival en bonne partie féminine, la grande majorité des 350 films proposés est réalisé ou coréalisé par des femmes. C’est très bien cette volonté de vouloir donner enfin la parole aux femmes dans une société encore patriarcale, mais transformer le monde en Città delle donne résoudra-t-il vraiment et aussi facilement les inégalités ? D’autant que le festival de Montréal, cette année en tout cas, va encore plus loin car la plupart des films proposés dans la sélection attribuée à la sagacité du jury Fipresci aborde la cause féminine de près ou de loin. Qu’on se rende compte : sur les vingts films issus de différentes sections offerts aux yeux de notre jury, douze sont réalisés par des femmes, soit plus de la moitié.

 

Divino amor de Gabriel Mascaro

Et le sujet des films aborde pour la plupart des thèmes sinon féministes, du moins féminins, des thèmes qui en effet traînent chaque jour dans les médias et sur les journaux féminins comme la grossesse, la violence faite aux femmes, et toutes ces antiennes qui désespèrent quand même un peu trop notre société consumériste et pleurnicharde. On serait presque tenté de proposer un inventaire à la Prévert : quatre films abordent de manière différente la grossesse, mais jamais d’une manière très épanouie qu’il s’agisse d’Adam de Maryam Touzani, de Canción sin nombre de Melina León (admirable toutefois de pudeur et de dignité et auquel la Fipresci a accordé son prix), de Sole de Carlo Sironi ou encore de The Body remembers when the world broke open de Elle Máijá Tailfeathers et Kathleen Hepburn. Les violents rapports hommes femmes sont aussi abordés par Mickey and the bear d’Annabelle Attanasio (ici, l’ours c’est son père, légèrement incestueux), mais aussi dans Perdrix d’Erwan Le Duc, Black Conflux de Nicole Dorsey ou, dans un autre genre, avec Atlantique de Mati Diop déjà récompensé au festival de Cannes. Les relations souvent inabouties ou tragiques entre parents et filles ne sont pas oubliées, illustrées par exemple dans de beaux films comme Easyland de Sanja Zivkovic ou Murmur de Heather Young qui dépeint la vie morne d’une mère abandonnée par sa fille et qui trouve une rédemption dans les animaux de compagnie.

Dans un tout autre genre, Suzanne Heinrich propose une mise en scène comique, voire caricaturale de la féminité avec Arent you happy sans y parvenir vraiment et, du coup, son film est un peu ennuyeux. Seul le film japonais d’Hikari, 37 seconds, nous offre un portrait sans concession, poétique et réaliste, de la condition d’une jeune fille en fauteuil roulant au moment de vivre sa sexualité. Du coup, les autres films réalisés par des hommes et qui ne parlent pas de la condition féminine paraissent bien ternes ou ont du mal à surnager. Ils ne sont pourtant pas dénués de qualités comme, entre autres, Jai perdu mon corps, un film d’animation de Jérémy Clapin, proposé à Cannes, qui évalue le cinéma et ses miroirs, mais aussi le très attendu The Twentieth Century de Matthew Rankin, film canadien qui raille l’histoire récente du pays, et Nail in the coffin de Michael Paszt, film documentaire sur la chute du catcheur Canadian Vampiro, ou bien, Acid, le premier film d’Alexander Grochilin, acteur remarqué de Leto, qui propose un portrait au vitriol de la jeunesse russe.

On laissera de côté deux films de la section Les Nouveaux Alchimistes qui restent fort heureusement hors de toutes ces catégories sexistes et ça leur confère une certaine force. En effet, malgré leur défaut, 1000 Kings de Bidzina Kanchaveli et Die Kinder Der Toten de Kelly Cooper et Pavol Liška font preuve d’une certaine originalité. Comme quoi, il est temps maintenant de conclure en se demandant sincèrement si le cinéma doit être traité comme les autres faits de société. Peut-il être trituré, mis en catégorie, préservé par la loi, en bref endoctriné ? Les législateurs pondent des lois sur tout, mais est-ce que cela fonctionne sur le cinéma ? Et ces lois qui se veulent protectrices de la femme parviennent-elles à leur fin ? « La beauté sera convulsive ou elle ne sera pas », écrivait André Breton, voici presque cent ans. Le cinéma ne doit pas devenir un art pavé de bonnes intentions, sinon il perdra son âme et ne changera pas pour autant la société.

Quant au palmarès, il donne une idée non pas de l’infini, mais de la difficulté de choisir quelques pépites dans un tel pandémonium nouveau cinéma.

Le jury Compétition internationale – longs métrages était composé de Hayet BENKARA, Caroline DHAVERNAS et Brandon HARRIS.

Louve d’Or : BEANPOLE de Kantemir Balagov

Prix de l’innovation Daniel Langlois / Daniel Langlois : DIVINO AMOR de Gabriel Mascaro

Mention Spéciale : CANCIÓN SIN NOMBRE de Melina León

Prix d’interprétation / Best Actor or Actress Award : Ingvar E. Sigurðsson dans A WHITE, WHITE DAY de Hlynur Pálmason

Mention spéciale: Sandra Drzymalska et Claudio Segaluscio dans SOLE de Carlo Sironi

Prix de la critique internationale (présenté par la FIPRESCI)

 

Le jury FIPRESCI était composé de Ernesto Diez Martinez, Jean-Max Mejean, Guillaume Potvin.

Meilleur premier long-métrage, toutes sections confondues / Best first feature from any section.

CANCIÓN SIN NOMBRE de Melina León

 

COMPÉTITION NATIONALE – LONGS MÉTRAGES / FEATURE FILMS

Le jury Compétition nationale – longs métrages était composé de Geraldine BRYANT, Kasia KARWAN et Boyd VAN HOEIJ.

Grand Prix présenté par Post-Moderne : THE BODY REMEMBERS WHEN THE WORLD BROKE OPEN de Kathleen Hepburn et Elle-Máijá Tailfeathers

Prix de la diffusion Québecor :THE TWENTIETH CENTURY de Matthew Rankin

PRIX DU PUBLIC : BACURAU de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles

PANORAMA INTERNATIONAL – LONGS MÉTRAGES /FEATURE FILMS

Prix pour la Paix présenté par la Fondation de la Famille Brian Bronfman :AND THEN WE DANCED de Levan Akin

LES NOUVEAUX ALCHIMISTES – LONGS MÉTRAGES / FEATURE FILMS

Le jury Compétition – les nouveaux alchimistes longs-métrages était composé de Miryam CHARLES, Lou SCAMBLE et Marina SERRAO.

Prix des nouveaux alchimistes : RALF’S COLOURS de Lukas Marxt

Mention Spéciale: SERPENTÁRIO de Carlos Conceição

P’TITS LOUPS : LE REFUGE DE L’ÉCUREUIL de Chaïtane Conversat

 

 

Le jury FNC EXPLORE était composé de Myriam ACHARD, Toby COFFEY, Jean DUBOIS, Dario LAVERDE, Anna TICKTIN.

Grand Prix innovation présenté : COMMON GROUND de Darren Emerson

Meilleur film 360 en réalité virtuelle : LAST WHISPERS: AN IMMERSIVE ORATORIO de Lena Herzog

Prix meilleur pitch projet XR en Développement: THEY CALL ME ASYLUM SEEKER de Tamara Shogaolu et SH_T HAPPENS de David Štumpf et Michaela Mihályi

Prix de la relève étudiante présenté : PLAYTIME

de Catherine Bazinet, Maxime Boisvert, Ronan Le Gall, Alexis Maher et Charles Tétreault

Rappelons que les prix pour les courts-métrages ont été remis le 15 octobre :

 

COMPÉTITION INTERNATIONALE – COURTS MÉTRAGES / SHORT FILMS

Le jury Compétition internationale – courts métrages était composé de Meryam JOOBEUR, Fanny-Laure MALO et Raphaël OUELLET.

Loup argenté

Meilleur court métrage de la Compétition internationale : BLESSED LAND de Phạm Ngọc Lân

Mention spéciale: DIVA & ASTRO d’Angel Barroeta

COMPÉTITION NATIONALE – COURTS MÉTRAGES / SHORT FILMS

Le jury Compétition nationale – courts métrages était composé de Anne GASCHUTZ, Sang-Hoon LEE et Enrico VANNUCCI.

Grand Prix (présenté par CineGround)

Meilleur court métrage de la Compétition nationale : ORACLE de Aaron Poole

Prix du public présenté : JARVIK de Emilie Mannering

LES NOUVEAUX ALCHIMISTES – COURTS MÉTRAGES / SHORT FILMS

Le jury Les nouveaux alchimistes – courts métrages était composé de John BLOUIN, Jaime MANRIQUE et Mégane VOGHELL.

Prix de la meilleure animation : THE PHYSICS OF SORROW de Theodore Ushev

Mention spéciale du jury: SH_T HAPPENS de David Štumpf et Michaela Mihályi

Prix Dada National : THE PHYSICS OF SORROW de Theodore Ushev

Mention spéciale du jury: DISPLACEMENT de Maxime Corbeil-Perron

 

Prix Dada International : LAST YEAR WHEN THE TRAIN PASSED BY de Huang Pang-Chuan

Mention spéciale du jury: LEAKING LIFE de Shunsaku Hayashi

 

RENCONTRES PANCANADIENNES DU CINÉMA ÉTUDIANT / STUDENT SHORT FILMS

Le jury courts métrages des Rencontres pancanadiennes du cinéma étudiant était composé de Ryan BADEN, Catherine LEGARÉ-PELLETIER, Kristina WAGENBAUER

Prix Espoir présenté par 123DCP et Ulule

Court métrage étudiant s’étant particulièrement démarqué : SURFACE TENSION de Devon Pennick-Reilly (Nova Scotia College of Art and Design)

Grand Prix présenté par Netflix : ILHA DA RAINHA de Kayla Fragman (Université Concordia)

 

FNC FORUM – Pitch

Prix Pitch Premières Œuvres présenté par Netflix : VAMPIRE HUMANISTE CHERCHE SUICIDAIRE CONSENTANT

réalisé par Ariane Louis-Seize, écrit par Christine Doyon et produit par Jeanne-Marie Poulain (art&essai)

 


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