Vingt ans après son décès, les six potentiels héritiers de Cyrus West sont invités dans son manoir afin de savoir lequel d’entre eux touchera le gros lot. Dernière adaptation en date de la pièce éponyme de John Willard, ce Chat et le canari (1978) signé Radley Metzger s’inscrit dans la lignée des Whodunit à la sauce Agatha Christie, avec une touche de folie en plus, et un léger parfum d’épouvante. Conformément aux standards du genre, le suspense se structure en trois temps : présentation du contexte et des personnages, succession d’incidents et de meurtres, résolution du mystère. Dès l’entrée en matière le ton est donné. Mâtinée d’un savoureux second degré, dans un registre parfois fleuri, chaque convive affiche son excentricité et ne se prive pas d’afficher ses cupides velléités. Perche tendue à chaque Guest star pour se rappeler à notre bon souvenir. Parmi elles, une Olivia Hussey dont on aurait presque oublié le regard éblouissant révélé dans le Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli (1978). Et la toujours élégante Honor Blackman, Pussy Galore dans Goldfinger (Guy Hamilton,1964), et première alter-ego de John Steed dans Chapeau melon et bottes de cuir. Quant à James Fox, arborant avec vitalité son ambiguïté si séduisante, il dépasse d’une large tête ses compagnons de route masculins.
Mais le plus pétillant des énergumènes est sans nul doute l’hôte de ces lieux et l’instigateur de cette rencontre. Au moment de rédiger son testament, Cyrus West s’est mis en scène à la même table que ses futures convives, afin d’être avec eux vingt ans après sa mort, grâce aux deux films qui ont été conservés à double tour dans un coffre pendant toutes ses années. Campé par le vétéran Wilfrid Hyde-White, parfait archétype du gentleman britannique, le « bienveillant » donateur va jouer avec les mots et les nerfs de chacun, rappelant aux héritiers potentiels leur cupidité, sans se priver de les traiter de noms d’oiseaux au passage. Non seulement drôlissimes, les scènes en sa présence sont l’occasion de rebattre les cartes de ce charmant Cluedo grandeur nature, et de nous adresser des regards complices dans le cadre d’une savoureuse mise en abyme. Beaucoup plus largement, le second degré s’invite assidument dans la partie sans pour autant dissoudre l’intérêt du mystère. Pour sa seule réalisation hors des circuits beaucoup moins conventionnels que sont le porno chic et la sexploitation, Radley Metzger conduit son ouvrage avec une belle efficacité, aussi bien au niveau du rythme que des prises de vue, au point d’en faire oublier le cadre théâtral. Les poursuites et les affrontements dans les dédales du manoir ne manquent pas de peps. Seules les brèves incursions dans l’épouvante ne font pas réellement mouche.
Nous avons évoqué plus haut les liens de parenté avec l’univers d’Agatha Christie. Ses nombreux fans se réjouiront de retrouver le charme et l’esprit associés à la reine du mystère, ainsi que des acteurs qui ont peuplé ses adaptations cinématographiques (à ceux déjà cités rajoutons Wendy Hiller). Pour tous ceux qui trouvent que ce type de récit s’enlise trop souvent dans un schéma répétitif et des scènes dialoguées ampoulées, ils apprécieront la concision de l’écriture et le sens du rythme qui placent Le chat et le canari bien au-dessus de la moyenne de ce type d’exercice. Sa fantaisie rappelle le joyeux foutoir d’Un cadavre au dessert (Robert Moore, 1976), et le charme vintage du récent Coup de théâtre ( Tom George,2022). Une raison supplémentaire de ne pas se priver de cette édition Blu-ray de Rimini.