Le Bannissement (Izgnanie)

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Un homme et sa famille abandonnent la ville pour s´installer dans la maison paternelle, recluse et située aux antipodes du milieu urbain.

Deuxième long métrage d’Andrei Zviaguintsev, Le Bannissement s’inscrit dans une sphère biblique. Souillure, péché et exil y sont suggérés dès le titre. Le thème de la chute originelle apparaît dès le début du film. Les cieux, inquiétants, laissent présager un événement d’une envergure chaotique. On quitte les réseaux routiers et ferroviaires pour un décor agreste mais point rassurant. Omniprésente, la Nature y constitue un personnage à part entière. Le cadre champêtre donne incontestablement lieu à de magnifiques plans séquences tournés, pour la plupart d’entre eux, en Moldavie. Au sein de cet éden apparent, on attend bien sûr cette bourrasque apocalyptique qui viendra maculer ce paysage si serein et ensevelir les uns et les autres dans une tragédie. Seulement, l’histoire sommeille…

Les personnages et les dialogues sont comme laissés en hibernation pendant une durée qui paraît interminable. Tout se perd dans l’esthétique qui, si elle installe les protagonistes dans une atmosphère biblique, finit par les noyer. Le Bannissement est à l’image de son personnage féminin, aux traits beaux et fins mais au teint défait et au corps prêt à chanceler. L’allure est celle d’une cariatide, élégante et hiératique. L’ensemble est joliment agencé mais le réalisateur s’enfonce dans la catalepsie. Bien qu’ils soient justifiés par la solitude des personnages, les silences se multiplient de même que les lenteurs, suscitant hélas une forte sensation d’étouffement.

Peu de logorrhées dans ce film où mari et femme sont enfermés dans leur isolement, mais va-t-on à l’essentiel pour autant ? Au cœur des contusions des protagonistes ? Andrei Zviaguintsev invite à une immersion au milieu de vastes espaces bucoliques, mais la sensation d’asphyxie gagne très vite du terrain. L’intensité du drame devient blême et finit par se diluer aisément dans le pullulement des références ultra bibliques dont la fonction dramatique s’avère finalement vaine après plus de deux heures de latence du film.

Le propos n’est pas absent de ce long métrage, lequel aborde les problèmes du couple, de la grossesse et de l’avortement, mais il est édulcoré par cette volonté de jucher le film sur les hauteurs d’une fresque mythologique, où finalement et paradoxalement, l’humain est écarté derrière une mise en scène à la fois éclatante mais frigide. Somme toute, Le Bannissement n’aura été qu’un drame terriblement long et ennuyeux, un drame au cours duquel on peine à suivre le fil d’Ariane lisse mais ô combien interminable pour en connaître l’issue.

Titre original : Izgnanie

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Durée : 150 mn


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