L’Art de la fugue

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Enième film sur l’infidélité et les errances du coeur, « L’art de la fugue » ne fait hélas ni rire ni pleurer.

Adapté d’un roman de Stephen McCauley, L’Art de la fugue risque de ne pas traverser les siècles, même si son réalisateur, Brice Cauvin, s’est fait aider par Agnès Jaoui, comme consultante au scénario et actrice. Comme quoi, il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions et de bonnes références pour faire un bon film. Non pas que le film soit complètement mauvais, mais on a la désagréable impression de l’avoir vu, à peu de choses près, des centaines de fois. On pense notamment à Courage fuyons d’Yves Robert (1979), mais à bien d’autres films encore dont on n’a pas gardé le moindre souvenir. Avec cette (trop) belle brochette d’actrices et d’acteurs, il ne faudrait pas que le film devienne film de copains, ou énième film choral. Brice Cauvin y a certes pensé en le réalisant, mais il n’empêche que son film ne sait pas trop où pendre sa lanterne. Comique, dramatique, famille, amis, Paris ! ach ! Paris, etc. C’est une sorte de patchwork qui, en fin de compte, n’apporte pas grand-chose sur la connaissance de la société française du XXIe siècle, hormis peut-être une relative banalisation de l’homosexualité, mais dans une certaine frange purement urbaine, comme c’est le cas ici. C’est dire, à cet égard un film comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? de Philippe de Chauveron (2014) est dix fois plus ethnologique !

Trois frères, réunis autour de parents légèrement excentriques (Marie-Christine Barrault et Guy Marchand, fidèles à leur réputation), font preuve d’un courage à toute épreuve dans leurs relations amoureuses ou affectives, chacun vivant avec une personne tout en rêvant à une autre, plus ou moins inaccessible. Vous pourrez dire que c’est courant dans la vie moderne et, que du coup, rien ne pourra être vraiment original dans ce scénario qui va vous faire vivre des allers et retours vers des villes européennes, et des rendez-vous plus ou moins extraconjugaux alors que les parents continuent de s’aimer depuis plus de quarante ans, tout en se détestant copieusement. Le père est d’ailleurs une sorte de malade imaginaire qui finira par en mourir et la mère une fausse mamma juive qui surveille d’un peu trop près sa progéniture, même si elle a atteint un âge presque canonique.

On pourrait passer sur le côté banal de l’histoire, sur le scénario un peu poussif et sur l’humour pas trop développé, mais pas sur le cabotinage des acteurs qui, de Bruno Putzulu à Laurent Lafitte (de la Comédie Française) en passant bien sûr par l’insupportable Nicolas Bedos et Élolie Frégé, donnent une image un peu caricaturale du métier d’acteur à Paris en ce moment. Mais qui sait, peut-être auront-ils un César l’année prochaine ? Seuls, Agnès Jaoui, dans le rôle d’une éditrice un peu trop foldingue dans un rôle trop écrit et, curieusement, Benjamin Biolay dont ce n’est pas le principal métier, tirent leur épingle du jeu. L’Art de la fugue, on l’aura compris très vite, n’est malheureusement pas un film sur la musique baroque, mais peut-être sur l’impossibilité de faire un film vraiment intéressant avec des ficelles dignes du plus mauvais cinéma de série B. Courage, fuyons !
 

Titre original : L'Art de la fugue

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Durée : 100 mn


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