La Frontière de l’aube

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Carole est une célébrité qui vit seule, délaissée par un mari parti à Hollywood. François est photographe et doit prendre en photo Carole. Très rapidement, les deux deviennent amants

Mais les choses ne sont pas simples : Carole est instable et sombre dans la folie. François souffre puis s’éloigne. Carole souffre puis tente de le récupérer. Mais François est avec une nouvelle fille, Eve. Carole décide alors de mettre fin à ses jours mais, loin de tourner la page, François se voit alors hanté par son amour maudit.
On l’aura donc compris, le canevas initial de La frontière de l’aube est assez simple. Il s’agit d’une énième histoire d’amour entre deux parisiens torturés par la légèreté de leur être. C’est d’ailleurs le fond du problème du nouveau film de Philippe Garrel : il n’échappe à aucun des poncifs, clichés du film d’auteur prétentieux qui se veut profond tout en ne faisant qu’esquisser des portraits archétypiques. Garrel (Louis) et Laura Smet ont beau être convaincants dans leur jeu d’acteur, ils sont embourbés dans un scénario truffé de dialogues catastrophiquement convenus. De cet amoncellement de lieux communs du film parisianiste découle une sensation d’équilibre très précaire, entre l’intellectualisme ostentatoire de Garrel et l’aspect risible de son propos.
Certes, le réalisateur fait continuellement référence aux thématiques romantiques, au sens littéraire, mais il n’en tire que des leçons cosmétiques, des effets chics et glamour : Laura Smet se tordant de douleur sur son parquet, Louis Garrel récitant en voix off les lettres d’amour qu’il envoie à sa partenaire. Que penser en effet du moment où, l’air habité, Louis Garrel affirme péremptoire : « le jour où le dernier survivant des camps de concentration mourra, commencera la troisième guerre mondiale » ? Au mieux, on dira que le propos est hors sujet avec le reste du film, au pire on abonnera Philippe Garrel à Courrier International pour qu’il se renseigne sur le monde qui l’entoure.
Encore plus symptomatique du nombrilisme de l’auteur, cette scène où Louis Garrel, torturé par le fantôme de Laura Smet, cherche conseil auprès d’un ami. Celui-ci, tout aussi solennel et laconique que le reste de la troupe, enfonce les portes ouvertes et finit par lâcher la phrase, que dis-je, le « message» du film : « C’est le bonheur bourgeois qui t’effraie ». On a pourtant envie de rétorquer que c’est toute son éducation, sa socialisation de petit bourgeois enfermé dans des schémas déterministes quant à ses modes de vie qui conduit François là où il en est. Par conséquent, La frontière de l’aube apparaît comme un échec d’autant plus détestable qu’il s’orne de la conviction intime d’être un grand film.

Titre original : La Frontière de l'aube

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Durée : 105 mn


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