A la veille de la Première guerre mondiale, Tamino s’engage dans un dangereux périple, alors que le monde s’enfonce dans les ténèbres et la folie destructrice, il se met en quête d’amour, de paix et de lumière.
De retour derrière la caméra après trois années de silence cinématographique en tant qu’auteur, l’acteur réalisateur anglais Kenneth Branagh, nous livre une nouvelle transposition de l’œuvre musicale de Mozart en adaptant son opéra lyrique « La flûte enchantée ».
Afin de proposer une version accessible à un large public, le livret a été traduit en langue anglaise et le vocabulaire légèrement travaillé pour s’accorder avec le texte d’origine allemande. De même, l’histoire transposée au début de la première guerre mondiale devait, selon les dires du cinéaste, correspondre parfaitement à la thématique principale de l’œuvre : le conflit !
Si nous pouvons, en effet, nous rejoindre sur le combat de la lumière contre la nuit, des illusions et des tromperies, des amours et des jalousies, le thème de la quête initiatique de Tamino dans le palais de Sarastro n’est pas assez souligné par la mise en scène. Celle-ci ne fait qu’épouser timidement l’extraordinaire parcours de Tamino vers l’amour et le trône, en occultant la dimension symbolique d’une telle destinée. Préférant mettre l’accent sur l’avènement d’un ordre nouveau dans lequel le bien triomphe du mal et l’amour de la haine, la transposition du cinéaste sur fond de guerre (intérêt disons nous du conflit et de sa résolution) simplifie à l’extrême de nombreuses thématiques complexes sur la manipulation, la conquête du pouvoir et l’importance du symbolisme franc-maçonnique des scènes de cérémonies initiatiques.
Transfuge de l’opéra au cinéma, la trame s’affranchit volontairement du statisme de « scène » pour offrir un spectacle si foisonnant dans ses implications de réalisation (accumulation de plans-séquences virevoltants autour des personnages ; succession de plans aériens sur des décors proches du seigneur des anneaux…) qu’il met en danger la clarté et la cohérence de l’univers cinématographique mis en place. Pris au piège du grandiloquent, Kenneth Branagh oublie la direction d’acteur et réduit par la même occasion la tension dramatique de l’histoire. Etrange comparaison me direz-vous, mais cette « Flûte Enchantée » de la démesure lui échappe, comme en son temps, un Frankenstein ampoulé.
En effet, là ou Bergman utilisait remarquablement les atouts du cinéma dans la captation d’un espace donné pour mieux s’ouvrir au spectateur parfois hermétique aux constructions d’opéra, le réalisateur anglais met en place des artifices dans l’évocation en nous suffocant d’images de synthèse et de paraboles par trop démonstratives (les personnages ressemblent alors aux stéréotypes des héros hollywoodiens). On se demande où est passée cette subtilité outrancière si chère à Mozart !
Cette surenchère visuelle, pourtant au service d’une histoire universelle d’un amour quasi divin, ne fait qu’alourdir une narration déjà complexe où bien des jeux de pouvoir, de conquête et de domination s’exercent. Malgré certains passages drôles et touchants, Kenneth Branagh passe complètement à côté d’un opéra qui oublie en route un spectateur ne demandant qu’à accompagner Tamino et Pamina dans leur passion, pour mieux, hélas, tomber vers un trop plein visuel indigeste. Décevant !