La Dernière maison sur la gauche

Article écrit par

Dernier remake d’un classique du film d’horreur en provenance d’Hollywood : intéressant !

Sorti en 2005, La Colline a des Yeux de Alexandre Aja, produit par Craven lui-même, avait fait partie de la première vague de remake des classiques de l’horreur 70’s initié par l’excellente relecture de Massacre à la tronçonneuse de Marcus Nispel. Depuis, c’est la déferlante à Hollywood incapable de créer de nouvelles icônes de l’horreur entre les nouvelles versions de Vendredi 13, Hitcher ou encore Halloween tandis qu’est déjà annoncé le remake des Griffes de la Nuit. Si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, les résultats mirobolants au box office eux le sont et il n’est pas étonnant de voir ce roublard de Wes Craven, dont les réalisations ne sont plus vraiment en odeur de sainteté s’atteler de nouveau à la production du remake d’un de ses films les plus fameux.

La Colline a des Yeux se prêtait bien à un remake, ce dont s’est formidablement acquitté Alexandre Aja, surpassant l’original aujourd’hui assez pénible à regarder, entre la réalisation frisant l’amateurisme et d’acteurs approximatifs, la réputation du film n’ayant perduré que grâce à son aura transgressive. Au contraire, La Dernière Maison Sur la Gauche de Wes Craven (remake officieux de La Source de Bergman) demeurant encore un monument de tension et de malaise, la tâche de Iliadis s’avérait nettement plus ardue que celle de Aja.

Les amateurs de l’épure de l’original tiqueront sont doute mais un des principaux apports de Illiadis (et des scénaristes Carl Ellsworth et Adam Alleca) est la réelle consistance donnée à la famille agressée. Là où Craven faisait jouer son cynisme en nous présentant une famille heureuse clichée de l’American Way of Life (pour mieux la plonger dans le chaos ensuite), Illiadis donne une réelle consistance à ses personnages et cette fois la douleur ressentie face à leurs tourments tient autant des débordements de violences que du réel attachement que l’on ressent pour eux. Il en va de même dans le camp des méchants où les rapports difficiles en Krug et son fils chétif sont bien plus intéressant.

   

Le revers de la médaille étant un certain côté prévisible et le propos de l’original fortement amoindri. Ajouter un fils disparu à la famille Collingwood fait anticiper au spectateur connaisseur des standards hollywoodiens le principal changement par rapport au film de Wes Craven, le personnage de Mari survivant ici. Les agresseurs sont nettement moins inquiétant également, en particulier Krug campé par un terrifiant David Hess en 1972 et ici bien pâle en comparaison malgré le charisme et la carrure impressionnante de Garret Dilahunt. Là où le Krug du premier film était un monstre bestial et sadique, sa nouvelle incarnation ne semble basculer dans l’excès qu’au fil des évènements ne tournant pas en sa faveur, pas vraiment aidé par des acolytes n’existant pas beaucoup plus. Dans l‘ensemble ils font bien pâle figure (et c’est un comble) face à la monstrueuse famille « Firefly » du Devil’s Rejects de Rob Zombie, un des héritiers évident de La Dernière maison Sur La Gauche.

Passé ces considérations et en jugeant le film pour lui même, sans doute le spectacle le plus âpre et éprouvant vu depuis longtemps. Illiadis conserve toutes les séquences chocs notamment la très éprouvante scène de viol, rehaussée par le la réaction de Mari totalement à la dérive juste après l’acte. La violence est sanglante et douloureuse, Illiadis alternant mise en image moderne et une patine plus ouvertement 70’s, avec caméra à l’épaule heurtée suivant la brutale vengeance finale. Le fait d’avoir de vrais personnages et pas des caricatures amène toute la tension et l’empathie nécessaire au film, les scénaristes ayant judicieusement éliminé les interludes comiques du shérif et de son adjoint qui cassait complètement le rythme et le ton de l’original.

La réussite serait plus complète sans une grotesque scène finale. Sentant sans doute qu’il est un peu passé à côté du sujet du premier film (Monsieur et Madame Tout le Monde cédant à leurs penchants les plus primaires lorsqu’on touche à leurs chairs), Illiadis tente de se rattraper in extremis au orchestrant une séquence de torture gore et presque « fun », à contre courant du vrai drame poignant qui a précédé. Une vraie faute de goût qui amoindrit l’impact de l’ensemble et c’est bien dommage.

Titre original : The Last House on the Left

Réalisateur :

Acteurs : , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 100 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…