La critique de cinéma – Jean-Michel Frodon

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Jean-Michel Frodon, en critique aguerri de cinéma (il l’est depuis longtemps et occupe actuellement le poste de directeur de la rédaction des « Cahiers du Cinéma ») livre ici une réflexion autour de ce qu´est la critique de cinéma, tant d´un point de vue théorique, que pratique et historique.

Edition Cahiers du cinéma – "Les petits cahiers"

Dans un premier temps, Frodon propose une définition de la critique d’art, et a posteriori, de la critique de cinéma à travers une métaphore très bien menée. L’œuvre d’art serait un objet troué, que chaque spectateur est amené à combler à sa manière. Le rôle du critique est alors de déterminer si le film propose effectivement une ouverture, et de mieux en déceler les contours ou, s’il cherche au contraire à enfermer le spectateur, à lui imposer des émotions. Le film doit être appréhendé comme une œuvre d’art, et non comme un divertissement, afin que le travail de critique, en tant que prise de distance et non de simple jugement de goût, puisse opérer.
Frodon rappelle également que l’écriture est primordiale dans la critique. Le critique est un journaliste-écrivain : il livre un jugement subjectif (qui est idéalement un subtil équilibre entre passion et lucidité selon Jean Douchet), et a recours au style comme moyen de convertir le langage cinématographique en langage écrit. D’ailleurs, selon l’auteur, c’est par la presse papier que la critique prend forme de la manière la plus aboutie : la radio propose des débats théâtraux entre critiques, quand la télé impose une censure de fait, introduite par le poids des chaînes dans la production des films, et qu’internet accouche le plus souvent d’échanges d’idées comme on en voyait dans les ciné-clubs.

Après ces définitions théoriques, Frodon explique le fonctionnement et les effets du travail de critique. On découvre le quotidien d’un critique de cinéma, les différentes méthodes des revues de cinéma. Quant aux effets, Frodon rappelle que la critique n’est pas le reflet d’une opinion ou d’un sondage, mais au contraire un point de vue subjectif, qui vise à faire réfléchir ou à déranger, avant de souligner l’importance des effets politiques plus qu’économiques, de la critique.

Enfin, l’essai se conclut par des repères historiques concernant la critique en France. Cette partie est plus factuelle, et surtout très centrée sur l’histoire des Cahiers, ce qui enferme quelque peu la réflexion dans une certaine nostalgie quelque peu nombriliste, sans réellement réfléchir aux évolutions de la critique en France. On trouve également un aperçu des traditions critiques dans les autres pays, ainsi que des extraits de textes fondateurs, très intéressants bien que beaucoup trop courts.

Frodon livre ici une réflexion en toute cohérence avec sa définition du critique : c’est un point de vue subjectif, dans le bon (il livre des définitions intéressantes et personnelles dans la première partie, qui s’apparente à un essai), comme dans le moins bon sens du terme (parfois trop le nez dans Les Cahiers), et engagé, en ce qu’il n’hésite pas à critiquer les méthodes et les évolutions de la critique, sans faire preuve d’aucune langue de bois.

 


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