Il n’y a rien de plus triste que d’être contraint à dire d’un film qu’il n’a pas d’ambition. Et pourtant, en sortant de la projection de La Clef, ce constat est évident.
La Clef est un thriller dans la moyenne : scénario très écrit, acteurs populaires (Vanessa Paradis, Guillaume Canet, Jean Rochefort), un peu d’action, par moment, sans excès. Un quidam trentenaire se trouve un jour impliqué dans un trafique de drogue : réussira-t-il à s’en sortir ? On a comme l’impression d’avoir déjà entendu cette histoire. Cependant, cette fois-ci, le « Monsieur Toutlemonde » en question, vieux garçon bien poli, travail, foyer, et quelques soucis dans son couple, rien de bien grave, paie les fautes de son père, qu’il n’a jamais connu, et qui évidemment menait une vie plus mouvementée que la sienne.
Récit banal, donc. Mais attention, le manque d’originalité n’est pas en lui même une faute : si jamais le récit avait été bien mené, s’il y avait vraiment un peu de suspense, une atmosphère, un récit bien mené, on pourrait sans doute oublier cette erreur. Mais malheureusement on ne voit rien de tout ça.
Le film défile sous nos yeux, prévisible et alourdi par une mise en scène plate, prudente, peureuse d’oser un seul plan, un seul mouvement, une seule coupe capable d’éveiller notre intérêt. Le récit manque de rythme, d’haleine, d’envergure, de caractère. Guillaume Nicloux s’efface et aplatit ses scènes sur un découpage scolaire : les champs contre champs s’enchaînent, au fil des dialogues, interrompus seulement par quelques bribes d’actions, un guet-apens, une poursuite, un enlèvement, parfois d’ailleurs tristement surjoués et bien peu inquiétants. Le cinéaste semble obligé de se tenir au vraisemblable, aux demi-teintes, aux ciels brumeux de la province française, avec la pluie, les champs, images qui pourraient être échangées avec n’importe quel feuilleton télé de seconde partie de soirée. Peut-être est-ce le destin de ce film ?
A l’heure où le film noir et policier semble reprendre son souffle partout dans le monde, où des films comme Les promesses de l’ombre, Americain Gangters, Gone baby Gone arrivent sur nos écrans, la comparaison devient embarrassante. Ce sont les idées qui manquent ici, et avant tout les idées de cinéma. Prenez les violents clairs-obscurs de Cronenberg, la tension d’Affleck, l’ambiance de Scott, et comparez-les à un héros en Clio grise, qui se trouve pris au piège entre un drame sentimental et mièvre (la relation avec sa copine et sa nostalgie du père défunt) et une intrigue policière (des gangsters, de la drogue, une prostituée). Que peut-on bien espérer ?
Ce qui est le plus gênant c’est que le film ne veut surtout pas déranger. Ne pas faire trop peur, ne pas être trop violent (surtout pas !), ne pas poser trop de questions, ne pas semer le trouble, ne pas affirmer quelque chose, mais tout résoudre avec un final consolatoire et rassurant, pour retourner au plus vite au quotidien, là d’où on espérait échapper pendant deux heures si la fiction, à chaque fois qu’elle semblait prendre son élan, n’était pas étouffée dans son élan. Bref, comme le dit le protagoniste : « Parfois je pense qu’il suffirait d’une bonne nuit pour oublier tout ça ».