Jeune Juliette

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« Jeune Juliette » n’est pas un énième teen movie, mais une tendre comédie sur l’amour.

Enfance et catharsis

Pour son quatrième long métrage, la Québécoise Anne Emond change de style et nous offre un film qui, au premier abord, pourrait passer pour un énième teen movie mais qui, peu à peu, se dévoile comme cathartique et en grande partie autobiographique, tout en restant une bonne comédie. Jeune Juliette, tourné en 35 mm pour retrouver les couleurs et le style des années 80, celles de son adolescence, met en scène une jeune fille, Juliette, heureuse et décomplexée qui, en raison de son surpoids, se sent mal au lycée et, pour y remédier, s’invente des rêves et des amours. La réalisatrice confie d’ailleurs que ce film coming of age est inspiré de sa propre adolescence, cette époque où personne n’est jamais vraiment heureux. C’est pourquoi elle a choisi, pour son scénario, des figures d’adolescents hors normes pour les confronter à des adolescents plus cool, ceux qu’on a nous aussi rencontrés au lycée et qui frimaient, à l’aise dans leurs baskets. Juliette est enrobée, Léane sa meilleure amie est homo, Arnaud est un enfant à haut potentiel comme on dit de nos jours, et enfin, Liam le beau gosse, fait tomber Juliette en pâmoison mais il chante comme une casserole, nobody is perfect.

 

 

Juliette l’effrontée

Comme la plupart des films québécois qui nous enchantent par leur langage imagé et plein d’humour, Jeune Juliette va sans doute cartonner en France, non seulement parce que cette comédie fait mouche, sans misérabilisme ni dolorisme, mais aussi parce qu’elle s’inspire des films sur l’adolescence, un peu comme ceux de Rohmer, mais surtout de Claude Miller et on pense bien sûr à Leffrontée. Juliette est une effrontée à sa manière qui, à 14 ans, quitte lentement l’enfance entre son grand frère qui la tient à l’écart, son père plus préoccupé par son nouvel amour et sa mère qui vit désormais loin d’elle à New York et s’en occupe guère. Comme tous les adolescents qui connaissent un problème quel qu’il soit, elle vit un peu dans l’insouciance, amoureuse folle de Liam « trop beau pour elle », entouré de sa seule amie et d’un garçon dont elle s’occupe et qu’elle perdra un jour dans un supermarché. Mais Juliette devient grave un jour à cause de la méchanceté de ses camarades qui la déclarent grosse et c’est là qu’elle prend conscience de son « handicap ».

 

 

De jeunes acteurs au top

Mais Anne Emond se garde bien de faire un film grave sur ce qu’on appelle à juste titre maintenant le harcèlement scolaire et qui conduit des adolescents au suicide. Non, Juliette prend sur elle comme on dit, résiste et montre un visage qui ne peut qu’encourager les jeunes qui verront ce film, même s’il ne leur est pas spécialement dédié, puisque la réalisatrice tient à préciser qu’elle l’a tourné surtout pour les adultes afin qu’ils y retrouvent leur enfance et puissent aider leurs enfants s’ils sont en difficulté. Ce film est un petit bijou de sensibilité et d’humour tendre, interprété par des adultes professionnels, mais aussi par une bande de jeunes pour la plupart non professionnels et qui se sont montrés particulièrement attentifs et concentrés, puisqu’il s’agissait de tourner avec peu de prises vu le prix du film en 35 mm. Les quatre rôles principaux des ado sont cependant tenus par de jeunes acteurs ou des artistes, notamment Alexane Jamieson dans le rôle titre qui n’a pas hésité à prendre huit kilos pour le personnage ; Léanne Desilets qui a débuté comme danseuse et joue dans une série télé très connue au Québec ; Gabriel Beaudet dans le rôle du jeune autiste remarqué par son professeur de théâtre et, enfin, le bel Antoine Desrochers découvert chez Xavier Dolan dans Juste la fin du monde. « L’adolescence est un terreau tellement fertile, et il y a toujours un regard qui se renouvelle, déclare Anne Emond dans le dossier de presse. Je me suis dit que j’avais le droit d’ajouter le mien. Je me suis octroyé ce droit ! »

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Durée : 97 mn


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