Je tremble ô Matador

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Dans le Chili de Pinochet, l’histoire d’amour impossible entre un jeune révolutionnaire et un vieux travesti…

Réflexion sur l’Histoire du Chili

Ce film puissant est certes une réflexion sur l’Histoire récente du Chili maintenant qu’une jeune majorité démocrate est arrivée au pouvoir, mais aussi une réflexion sur l’amour, sur l’engagement et bien sûr aussi une réflexion sur le travail de l’acteur. Ici, en effet, dans le rôle d’un travesti vieillissant et amoureux d’un jeune révolutionnaire, le très célèbre Alfredo Castro donne l’entière mesure de son talent. Inspiré du roman du militant homosexuel cubain, Pedro Lemebel, qui porte le même titre, ce film de Rodriguo Sepulveda ressemble au cinéma d’Almodovar au moment de la movida, c’est-à-dire un cinéma qui n’avait alors pas peur de la provocation, ni de la vérité, ni même de la laideur. Dans un Santiago dévoré par le fascisme de Pinochet, de jeunes activistes préparent un attentat contre le dictateur. Un soir, alors que la police débarque dans le cabaret de travestis où il se produit puisque l’homosexualité est sévèrement réprimée au Chili, La Loca en tentant de se cacher rencontre Carlos un jeune homme dont il tombe profondément amoureux et pour lequel il acceptera de cacher des documents et des armes pour la lutte anti-Pinochet. Le réalisateur s’en explique parfaitement dans le dossier du presse du film : « Trouver l’équilibre entre ces deux aspects fut en effet un travail très compliqué. Il s’agit d’une histoire d’amour particulière en raison du contexte politique et de l’environnement dans lequel elle se déroule. Les deux personnages principaux, Carlos et La Loca, vivent chacun dans le secret : Carlos pour être un guérillero, et La Loca pour être homosexuel dans un pays où l’homosexualité était illégale. Mon intention était donc de donner à ressentir qu’ils vivent chacun dans un monde soumis à l’isolement : qu’il s’agisse de l’espace intérieur de La Loca ou de l’espace social public d’un pays vivant sous une dictature. »

Métaphore de l’amour

C’est sur ce point que Je tremble, ô matador est un film très émouvant car il parvient aussi à instaurer un dialogue entre deux personnes que tout oppose, y compris leurs modes de vie et leurs orientations sexuelles, pour en faire un chant d’amour désespéré. Et c’est ici que le film devient vraiment almodovarien, au sens pur du terme, aidé en cela par la chanson lamento qui donne son titre au film, et au livre, et que Rodriguo Sepulveda illustre parfaitement dans une séquence où on l’entend in extenso lors d’une halte dans une forêt et pendant laquelle La Loca comprendra tout ce que Carlos attend de lui et tout ce qu’il espère de lui aussi en retour. Une danse magnifique qui aurait pu virer grotesque mais qui fait bien mesurer toute l’ampleur de l’amour dans ce qu’il a de plus libre et de plus généreux. On retrouvera du reste cette même ambiance à la fin du film lors de la séquence au bord de la mer, sans savoir  si, finalement, La Loca choisira de rester au pays ou de suivre Carlos au Mexique.

Le travail de l’acteur

Quant au travail d’acteur que ce rôle a nécessité, c’est bien évidemment Alfredo Castro qui en parle le mieux : « Je pense, en premier lieu, qu’il ne faut pas « jouer », mais cela je ne l’ai compris qu’en prenant de l’âge. J’ai certes étudié le métier de comédien à l’université. Je connais toutes les techniques et je comprends que l’on ait besoin de s’accrocher à une méthode quand on est jeune. Mais j’en suis arrivé à la conclusion, par la pratique, qu’il ne faut pas « jouer ». Par ailleurs, je ne crois pas réellement aux personnages. Je ne crois pas qu’ils existent. Je conçois qu’il y ait une fiction écrite, mais une fois que cette histoire m’est donnée par le réalisateur ou par la réalisatrice, elle cesse d’être une fiction pour devenir une part de ma nature. »

Titre original : Tengo miedo torero

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Durée : 93 mn


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