Hold-up

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N´importe quoi, n´importe comment !

L’obsession du vérisme n’en finit pas de faire des ravages en cet été 2012. Après la schizophrénie de Xavier Dolan qui faisait le grand écart entre l’esprit movidesque et l’atavisme dardennien, voici donc un autre obsédé d’effets de réel qui se prend les pieds dans le tapis, de manière bien plus dramatique que Laurence Anyways. Rien ne laissait imaginer un tel dépit à la vision de Hold-up. Mettant en images un impressionnant braquage, le film est précédé d’un joli succès au box-office norvégien, d’un grand prix au festival d’Arras et surtout de la solide réputation de son réalisateur. Nom peu connu, Erik Skoldbjærg est l’auteur d’Insomnia (1997), dont Christopher Nolan signa le remake américain, ou encore du remarqué Prozac Nation (2001) avec Christina Ricci.

Le cahier des charges de Hold-up est simple : une reconstitution « la plus réaliste possible » (1) du plus grand braquage de l’histoire de la Norvège, celui de la banque Nokas le 5 avril 2004 à Stavanger. 11 braqueurs, 51 millions dérobés en 20 minutes. À partir de témoignages des personnes présentes sur les lieux (le film précise lourdement : « basé sur des témoignages oculaires »), Skoldbjærg reconstruit minutieusement et en temps réel l’événement, mettant en scène les différents points de vue (les braqueurs, les employés de la banque, la police, les passants) dans une chronologie morcelée. L’idée est simple, mais séduisante : le recours au temps réel – ou à une illusion de temps réel – au cinéma est globalement toujours fascinant situant le film à mi-chemin entre Reservoir Dogs (Quentin Tarantino, 1992) et Elephant (Gus Van Sant, 2003), l’humour et le talent en moins.

20 minutes et quelques inside

Sauf que le résultat est une tambouille ni bien construite, ni maîtrisée. Le réalisateur se perd dans les différentes strates de son récit et ne les articule entre elles qu’au prix d’une maladresse qui met largement en péril la compréhension des événements. Perdu, Skoldbjærg se raccroche systématiquement à la chronologie des événements qu’il met en avant comme unique moyen de repérage dans son film. Outre leur globale inutilité, les « 1 minute avant, 5 minutes après, 5 minutes plus tôt » deviennent surtout ridicules tant c’est l’aléatoire le plus complet qui semble présider au montage. Conséquence malheureuse mais logique, l’événement et ses acteurs en pâtissent et sont victimes d’un burlesque sans doute pas prévu pour l’occasion.

 

Autre écueil prévisible du film : l’obsession de la reconstitution dite réaliste qui se transforme en pastiche de cinéma vérité. « Je pense que pour atteindre l’authenticité dans une fiction, ce qui est le plus difficile, il faut une grande part de réalisme. La façon de filmer caméra à l’épaule le permet. Par exemple, quand je filme les acteurs, la caméra ne les lâche pas », confie le réalisateur. Ce qui, à l’origine, était un moyen – peut-être naïf – d’objectivité dans le documentaire se retrouve dupliqué lourdement dans la fiction et devient dans le cas présent parfaitement inopérant. Suivre les personnages ne suffit pas à mettre en scène et n’empêche en rien la nécessité de penser la construction de son film. Skoldbjærg vise la reconstitution la plus réaliste. Mais découper et monter un événement n’en rend pas le filmage moins réaliste, c’est au contraire sa reconstruction qui permet d’en donner une évocation éventuellement réaliste, du moins d’en saisir quelque chose.

Au final, du braquage on ne comprend – et sans doute ne voit – absolument rien. La seule « vertu » de Hold-up est celle de la commémoration tant la fin semble hurler le proverbial « à ses morts, la patrie reconnaissante ». À ne proposer ni point de vue, ni direction, ni engagement, on finit par filmer n’importe quoi, n’importe comment.

(1) Ce sont les mots de Jan Aksel Tvedt, producteur du film.
 

Titre original : Nokas

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Durée : 97 mn


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