Eva

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Quand le mélodrame se teinte de science-fiction et d´une réflexion sur la filiation… Un joli premier film, qui souffre d´arriver bien après le très riche « A.I. » de Spielberg.

Nous sommes en 2041. Bien que ce futur ressemble en tous points à notre présent, certains signes laissent peu à peu penser que nous sommes bien dans un récit de science-fiction. Les voitures semblent désormais rouler grâce à une nouvelle énergie électrique, mais surtout, l’action démarre dans la Faculté de Robotique de Santa Irene. Là, robots, cyborgs humanoïdes et autres chats métalliques font partie du paysage. Bien que le récit ne le mentionne pas, ces intelligence artificielles ultra développées semblent respecter les lois de la robotique édictées par Isaac Asimov, en premier lieu celle de ne jamais agir méchamment envers l’être humain.

Dans ce monde à l’étrangeté familière, Alex Garel (Daniel Brühl, qui nous rappelle enfin qu’en plus de jouer en allemand et en anglais, a aussi des origines hispaniques) semble être le Steve Jobs de son époque, en plus précoce encore. Ayant disparu de la circulation pour une raison inconnue, le jeune génie revient dans la ville de son enfance pour créer un robot : un enfant androïde dont la personnalité serait totalement unique. Mais ce travail avant-gardiste n’est pas la seule raison de sa présence. Alex a laissé derrière lui son amour de jeunesse, Lana, et son frère David. Tous les trois étaient chercheurs mais lorsque Alex est parti, Lana et David ont fait leur vie ensemble.

Ces deux intrigues parallèles, qui tiennent pour l’une du mélodrame classique et pour l’autre de la pure SF, se rejoignent à travers le personnage central d’Eva (Claudia Vega, une petite révélation), qu’Alex approche dans un premier temps pour créer la personnalité de son robot, avant de se rendre compte qu’il s’agit de sa nièce. Exubérante, précoce, charismatique, Eva fascine Alex, en même temps qu’elle lui rappelle, à chaque instant, ce qu’il a perdu en s’éloignant des siens…

 

De l’inutilité du flash forward

Pour son premier long métrage, Kike Maillo a concocté un film aux ambitions discrètes mais réelles. En ancrant un récit cybernétique purement visuel (Alex jongle littéralement avec des « bulles de caractère » pour composer la personnalité de son robot, comme une divinité manipulerait le cosmos pour y créer la vie) dans une réalité à la fois ordinaire et exotique – le village espagnol où se déroule l’histoire est complètement enneigé, un paysage finalement assez rare au pays de Gaudi -, le réalisateur donne à son œuvre une certaine ampleur esthétique et thématique. Les étendues blanches et isolées extrapolent ainsi sur la nature froidement artificielle de ceux qui ne sont, après tout, que des robots, comme dirait Katerine. Dès le départ, Maillo fait aussi le choix de tuer le suspense, révélant dès la première image le nœud du drame qui va bousculer les croyances d’Alex. Ce flash forward malheureux, symptomatique de nombreuses productions cherchant à attiser l’intérêt du spectateur avant même de lui avoir exposé les tenants et les aboutissants de l’histoire, atténue quelque peu le crescendo de révélations mis en place, patiemment, au sein de ce triangle amoureux. Et on ne parle même pas du twist de troisième acte, qui peut dès lors, par simple déduction, être facilement deviné.

De nombreux éléments scénaristiques laissent également songeurs, de l’incohérence de créer un robot « libre » révolutionnaire alors qu’apparemment, Alex en a déjà imaginé avant, à l’absence de raison donnée pour justifier le départ de ce dernier. Difficile d’entrer en empathie avec un personnage se caractérisant avant tout par ses réactions vis-à-vis des autres personnages, même si l’on devine par quelques artifices sa détresse émotionnelle (il programme les robots pour qu’ils s’auto-formatent en prononçant la phrase « Que vois-tu quand tu fermes les yeux ? »). Mais ces défauts, somme toute pardonnables pour un premier long, pourraient s’effacer devant l’accomplissement artistique du film, qui a fort justement remporté le Goya des meilleurs effets spéciaux pour l’intégration de ses robots à l’image (et au sound design).

 

Moins un prototype qu’un avatar

Ce qui au final handicape le plus Eva, c’est sa parenté aussi gênante qu’évidente avec le bien nommé Intelligence Artificielle de Steven Spielberg. Même réflexion sur les rapports filiaux chamboulés par l’intrusion d’entités possédant toutes les caractéristiques extérieures d’un être humain. Même mise en avant d’une figure enfantine, réceptacle d’émotions forcément extériorisées, dans les yeux de laquelle chacun perçoit à la fois la promesse d’un avenir et le souvenir d’une période révolue. Même démarquage narratif, enfin, du séminal Pinocchio, qui bien avant la création des cartes à puces, causait déjà de la recherche d’une âme dans une création anthropomorphique, pouvant dans un même mouvement déconstruire la dérisoire quête d’absolu de l’homme et prouver l’existence d’un quelconque Dieu. Face à l’impressionnante épopée émotionnelle du créateur d’E.T., Eva fait malgré ses efforts figure d’avatar lyophilisé. La pertinence du casting, l’originalité du décor et une belle tenue artistique n’empêchent pas d’être un peu déçu par cette petite fille pas comme les autres.

Titre original : Eva

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Durée : 94 mn


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