Pour préparer cet entretien, je dois vous dire que j’ai eu un mal fou à trouver vos films. Pourquoi vos anciens films sont-ils si peu visibles en France alors que certains ont été primés dans des festivals comme Cannes ou Deauville, et pourquoi les derniers ne sont-ils même plus distribués en France depuis une dizaine d’années ?
En ce qui concerne mes premiers films, la société distributrice qui détenait les droits a fermé boutique. C’est le cas pour The Unbelievable Truth. Les éditions Diaphana ont fait de beaux DVDs de Simple Men et Trust me, films que l’on trouve en France. Mes films plus récents sont moins populaires auprès des distributeurs français, c’est pour cette raison qu’ils ne leur accordent pas de licence. Des distributeurs belges et néerlandais distribuent parfois mes films mais c’est vrai qu’il reste difficile pour les Européens de les voir. Je pense que le monde a changé. Au début des années 1990, ces films ont vraiment touché quelque chose. J’ai été le plus surpris par ce succès, en particulier pour Trust me, qui a été très apprécié par une certaine génération, en France et en Angleterre. Et c’était génial ! Puis j’ai continué à grandir et à évoluer et ce moment de grâce est parti. Depuis les douze dernières années, ce sont majoritairement les américains qui regardent mes films, ce qui est assez inhabituel pour moi, alors que c’était le contraire au début, mes films étaient plus populaires au Japon, en Australie et en Europe.
En revoyant presque l’intégralité de votre filmographie, une chose me semble flagrante dans votre manière de filmer : la caméra est quasiment en permanence sur les personnages et vos cadres sont très serrés. On ne sait presque rien de l’environnement dans lequel ils évoluent. Pourquoi tenir une distance si proche entre vous et vos acteurs ?
Je crois que j’ai toujours été intéressé par les gens et je n’ai jamais eu d’affinité pour le paysage. J’ai beaucoup travaillé cette manière de filmer à partir de Simple Men. La seconde partie du film est plus expansive, alors que la première est très serrée sur les personnages. Mon film Flirt était un exercice consistant à rendre un environnement de manière intéressante pour moi. Je déteste les plans préétablis. Le plan large d’un bâtiment est un plan préétabli. Le plan suivant filmant l’intérieur de ce même bâtiment et les conversations des gens est un plan préétabli. Je trouve que c’est une grammaire pauvre. J’aime user de plans rapprochés même pour filmer des paysages, comme un geste, un détail. Beaucoup de mes films travaillent cette grammaire.
Finalement, votre cinéma est très peu didactique. Il en devient presque abstrait. On ne sait pas pourquoi les personnages sont là et vous ne donnez aucune indication spatiale.
Oui, c’est une bonne façon de le dire. Je me concentre surtout sur l’interaction entre les personnages. L’espace et l’environnement sont indiqués et implicites. J’ai toujours fait cela dans les premiers films.
De même que vous avez une identité visuelle très spécifique, vous avez également une identité musicale particulière. Quel rôle attribuez-vous à la musique ?
Je suis musicien et fais moi-même de la musique. Je ne pense pas à la musique en faisant le film. Quand je finis le montage d’un film, je commence à y penser en termes musicaux. Où la musique pourrait-elle aider le film ? C’est très démodé et mes idées sont assez mauvaises ! La musique est un leitmotiv. J’essaie d’associer des mélodies, des sons à la progression des personnages. Le gentil a un thème majeur et le méchant, un thème mineur. C’est aussi bête que ça ! Et parfois après des semaines, on enlève la musique et on se concentre sur le rythme. Le film monté devient la fondation de la musique. Il m’est arrivé une seule fois d’écrire la musique en premier pour The Girl From Monday. Cela faisait partie de l’expérience, je l’ai réfléchi comme une pièce radio, comme si les images allaient s’attacher à la partie audio, ce qui est à l’opposé de ce qu’on fait habituellement. J’ai enregistré beaucoup de musique, de sons et de dialogues, puis j’ai collé des images sur ces sons. Cela n’a pas vraiment fonctionné.
Martin Donovan, Elina Löwensohn, Bill Sage dans Simple Men © Possible films
Vos films ont également un rapport à la danse indéniable, on pense à la scène de Surviving desire où Martin Donovan se met à exécuter une chorégraphie synchrone avec des inconnus après avoir reçu un baiser, ou la fameuse scène de Simple Men autour d’une chorégraphie d’Elina Löwensohn. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la danse ? Le décalage, l’humour que ça apporte ?
En ce qui me concerne, je n’ai pas de relation particulière avec la danse, je suis un piètre danseur ! (Rires). Surviving Desire et Simple Men ont été tournés à deux mois d’intervalle en 1991, et effectivement, comportent tous les deux une scène de danse chorégraphiée. C’est très amusant pour les acteurs de jouer ce genre de scène. A l’époque, on voyait les films d’Almodovar où les gens dansaient tout le temps. Je me suis dit que c’était une solution tellement simple à des problèmes de narration. Simple Men est très calme et lent pendant les quarante premières minutes avant d’exploser avec cette scène de danse ridicule. C’est une formule consacrée, une manière de dire que ces garçons et ces filles avaient traîné ensemble pendant trois ou quatre heures et maintenant tout est différent. Cela permettait d’exprimer la tension sexuelle et d’éviter dix à douze pages de dialogues.
La scène de Surviving Desire est assez semblable et aussi simple quand Martin Donovan sort du bar après que la fille l’a embrassé et trébuche. Un autre couple passe, il est gêné et fait un pas de danse ridicule genre « je sais ce que je fais ». Pour jouer la scène, j’ai mis la musique de The B-52’s. Quand j’ai monté le film, j’ai retiré la musique, c’était beaucoup plus intéressant d’avoir une scène de danse pour rien. C’est très humoristique assurément, mais je ne sais pas si on peut parler de décalage. C’est une sorte d’attitude enfantine : le garçon se fait embrasser par une fille, il sort dans la rue et danse ! Pour la petite anecdote, le rigger (1) sur le film était le fils de Gene Kelly et disait tout le temps que son père aurait adoré ! Les scènes chorégraphiées étaient aussi dans l’air du temps à l’époque. Chez Almodovar, les films éclataient en chansons et en danses, et comportaient une dimension ludique forte. Dans Surviving Desire, il y a beaucoup de parlote. Parfois, on a juste besoin de se détendre !
En ce qui concerne votre rapport à la danse, je pense aussi à toutes les scènes de corps à corps, violentes ou pas. Est-ce un clin d’œil à Godard que vous aimez et à Prénom Carmen notamment ?
Ce n’est pas une référence, c’est plutôt quelque chose que j’ai pris de ces films. Dans Prénom Carmen, c’est flagrant. Le couple se repousse sans cesse contre les murs. J’aime beaucoup ce genre de chose. Mais il l’a souvent fait dans d’autres films. J’ai beaucoup appris en regardant les films de Godard. Ce qui m’intéresse surtout chez lui c’est la façon dont il parvient à réaliser des scènes avec autant d’énergie et d’actions avec très peu de moyens. J’ai moi aussi fait mes premiers films avec des moyens très limités ! Les corps à corps sont une sorte de machisme, de faux machisme, parce qu’au final, les hommes n’aiment pas vraiment se battre mais juste montrer qu’ils vont se battre, et attendent en réalité qu’on vienne les séparer.
En dehors de Godard, quelles ont été vos influences cinématographiques ou provenant d’autres disciplines ?
J’ai été influencé par le réalisateur américain Alan Rudolph (son film Choose me) et les westerns américains. Vous savez, j’étais étudiant en cinéma, j’ai vu beaucoup de films. Dans les westerns, il y avait une clarté dans la construction des histoires. J’ai passé la moitié d’une année à les étudier en cours, La Rivière rouge de Hawks ou La Prisonnière du désert de Ford. Cela a beaucoup influencé la manière dont j’écris. Dans Trust me, j’ai d’ailleurs appelé le personnage joué par Martin Donovan Matthew, comme Matthew Garth dans La Rivière rouge. Mais à cette époque, j’étais influencé par tout et n’importe quoi. Godard m’a particulièrement touché. A l’école, on n’a aussi beaucoup vu les films français de la Nouvelle Vague qui nous ont beaucoup enthousiasmés. Mais je ne peux pas dire qu’ils m’ont incité à faire des films quand j’en ai eu l’opportunité. C’était plus immédiat. Je vous salue Marie, Prénom Carmen ou Détective, je les ai découverts à un moment où j’en avais besoin. Le côté graphique des films de Godard, le cadrage serré dont on parlait tout à l’heure… J’ai été encouragé par ses films. Il n’y a pas beaucoup de plans qui ne soient pas extrêmement serrés dans Je vous salue Marie. Ce n’est pas un défaut, le film est toujours aussi énorme ! Voilà, quand vous êtes jeunes, vous êtes influencé par tout.
Il y a toujours eu une violence soudaine dans vos films, un coup de poing plutôt qu’un long discours. Pourquoi tant de haine dirait-on en France ?
Pourquoi tant de haine ?! (Rires) Ce n’est pas vraiment un sujet chez moi. C’est plutôt ce qu’il y a autour de lui. Le sujet est presque toujours le même depuis mon premier film, jusqu’aux derniers : comment les gens communiquent entre eux dans un monde qui clairement ne veut pas d’eux. Mais le monde est un endroit dangereux et trépidant à la fois. Il n’y a jamais de moments d’une grande violence dans mes films, c’est plutôt des petites violences, causées par des problèmes familiaux, des tracas inexpliqués. Je veux donner l’impression que d’autres vies continuent autour du sujet, quelque soit le sujet.
C’est aussi très amusant de voir des gens faire des choses que vous aimeriez faire ! Un exemple parfait : dans Trust me, Martine Donovan et Bill Sage se retrouvent l’un à côté de l’autre dans une clinique pour avortement et Bill joue le rôle d’un habitué des lieux. Il donne des conseils à Martin Donovan « ne t’en fais, tout va bien se passer, elle sortira de là et tout sera ok », et Martin fait ce que moi et beaucoup de gens voudraient faire face à ce genre de personne : le mettre par terre et le frapper ! Bien sûr, on ne ferait jamais ça ! Raconter des histoires donne l’opportunité d’exprimer cela. Et c’est drôle. Les gens rient toujours. Ils ne sont pas horrifiés devant ces moments de violence. Quand je regardais Trust me avec des gens, c’était un grand fou rire !
Vos personnages sont souvent des marginaux, soit parce qu’ils décident de sortir du système, en quittant leur travail du jour au lendemain comme Martin Donovan dans Trust me, Simon dans Henry Fool qui cesse d’être éboueur pour écrire de la poésie, ou sont d’emblée des marginaux comme le monstre de No such thing. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la figure du marginal ?
Leur marginalité ! J’ai appris une autre chose de Godard : vous en savez plus sur la page quand vous savez où se trouve la marge. C’est une belle formule. J’ai toujours voulu commencer avec des personnages qui ne trouvaient pas leur place dans le système, ou plutôt dans un certain type de système. Et puis quelque chose casse. C’est comme un fil de fer, si vous le tordez comme ça, il n’arrivera rien, mais si vous le tordez à un endroit précis, il cassera.
D’où vous vient cette obsession de fin du monde ? Depuis votre premier long métrage The Unbelievable Truth et la fin du monde comme un refrain dans la bouche d’Adrienne Shelly, jusqu’à la vision apocalyptique de The Book of life.
Je ne suis pas obsédé par la fin du monde ! Je ne suis pas tant intéressé par le sujet que par les gens qui attendent la fin du monde. Tout a commencé en 1993 au Texas, à Waco, avec une secte protestante appelée The Branch Davidians. Ils exerçaient la chrétienté à leur manière, ce qui incluait des armes à feu et des mœurs sexuels assez débridées. Le gouvernement fédéral a voulu intervenir mais ils l’ont fait d’une très mauvaise façon. Leur intervention a duré cinquante-trois jours et était retransmise à la télévision. Beaucoup de personnes sont mortes des deux côtés. On m’a commandé une pièce de théâtre pour le Salzburg Festival en Autriche, et je voulais écrire là-dessus. Je voulais écrire sur la liberté de religion aux Etats-Unis et les lois sur les armes qui amènent des conflits, encore et encore, depuis la construction des Etats-Unis. Il faut rappeler que le pays a initialement été fondé par ce que je considère comme des fanatiques religieux. Pour écrire sur le sujet, comprendre le problème et savoir qui ils étaient, j’ai dû beaucoup étudié ces gens que j’ai pu suivre à la télévision. J’étais d’abord très méprisant puis je les ai trouvés plus intéressants qu’au départ. Je ne partage pas leur croyance, mais en tant que citoyen, je comprends leurs positions : la suspicion envers les médias, envers la pensée mainstream, le consumérisme, sujets sur lesquels s’exprimaient très bien ces gens. C’est comme ça que je me suis intéressé à la fin du monde. Quand cette pièce de théâtre fut terminée, Arte m’a demandé de réaliser un film d’une heure qui devait être drôle, tourné aux Etats-Unis et parler du dernier jour du millénaire. J’ai dit ok ! J’ai toujours des idées marrantes à propos des gens qui attendent la fin du monde alors j’ai fait The Book of life. Le commencement de The Book of life est une question typique des protestants américains : « Que ferait Jésus ? ». Ils le disent toujours ! Moi je sais ce que Jésus ferait : il ne serait pas parmi les gens qui attendent la fin du monde. Il avait l’air d’être un juif totalement équilibré, qui voulait juste que tout le monde soit heureux. J’ai voulu raconter l’histoire de son point de vue : qu’est-ce qu’il se passerait si Jésus revenait pour mettre fin au monde, est-ce que cette mission le ferait changer d’avis et cesser d’être le Messie ? C’était super ! The Book of life est le film le plus fluide, facile et constamment stimulant que j’ai fait. On l’a tourné en dix jours. Je l’ai écrit en marchant non loin du bureau et en essayant des choses sur les gens, comme imaginer Jésus et Marie-Madeleine entrer dans un bowling. Ce serait une scène absurde ! Les gens ont ri et je me suis dit que c’était bon !
The Book of life est un film particulier dans votre filmographie, vous avez expérimenté de nouvelles choses.
Oui, c’était la première fois que j’utilisais la vidéo. J’avais déjà fait de la vidéo mais pas sur un projet aussi long. Cela a poussé l’imagerie très loin, dans un genre très impressionniste. Aussi, la structure du scénario était entrecoupée par la voix off, ce que je n’avais jamais fait auparavant. Je pense que c’est venu du travail d’écriture que j’avais réalisé sur la pièce de théâtre Soon dont on parlait tout à l’heure. On retrouve aussi la voix off dans The Girl From Monday.
J’aimerais qu’on parle de vos acteurs. Il existe une « troupe Hartley » : Martin Donovan, Elina Löwensohn, Robert John Burke, Thomas Jay Ryan, Bill Sage… Qu’est-ce qui vous intéresse dans la reprise d’un même acteur ?
Ça ressemble de loin à une troupe. Mais pour nous, ce n’est pas le cas. Quand vous avez une bonne expérience avec un acteur, ou l’inverse, un acteur avec un réalisateur, vous êtes tenté de collaborer à nouveau parce que vous avez l’impression que le travail ne semble jamais fini. Vous voulez continuer et essayer de nouvelles choses ensemble. Vous établissez une confiance et une grammaire dans le travail. Vous pouvez obtenir un meilleur travail et plus rapidement. Ces gens sont souvent autour de moi lorsque j’écris et ils m’inspirent d’une certaine façon. À part Parker Posey dans Henry Fool qui était déjà une star aux Etats-Unis, les autres acteurs étaient totalement nouveaux. Dans les années 90, ça ne posait pas de problème, on pouvait faire des films comme ça et être distribués dans le monde entier. C’est plus dur maintenant.
Pourquoi avoir donné une suite à l’histoire de Henry Fool avec Fay Grim presque dix ans après ? Est-ce que ce n’est pas risqué de réactiver une histoire si tardivement ? Le public vous a-t-il suivi ?
Quand j’ai commencé à écrire Henry Fool, je le pensais long, en trois parties. Quand je l’ai réalisé, je ne savais pas à quoi il ressemblerait. Peu importait ce que serait l’histoire, la base serait de parler d’une amitié, du fait de créer une responsabilité et comment cette amitié et cette alliance créative allaient affecter le reste de la communauté. En 1999, j’ai commencé à parler à Parker d’une deuxième partie qui porterait sur son personnage, Fay Grim. En 2000, j’ai commencé à écrire sérieusement. À cette époque, le monde avait changé, notamment les relations avec le monde arabe ou des choses dans le genre. Les informations étaient devenues bien plus denses. Je me suis retrouvé à lire des articles de journaux qui me faisaient penser à des films d’espionnage comme James Bond. J’ai lu que quelqu’un avait été arrêté dans le métro avec des microfilms dans les chaussures… J’ai commencé à collecter ce genre d’articles.
Après un an, je me suis dit « c’est ce que le monde est maintenant », je veux prendre Fay, une personne pas très éduquée mais convenable, un peu foireuse. Et l’important est qu’elle ne connaît rien du monde extérieur et de sa communauté, c’est quelqu’un de très américain en somme… Mais elle est aussi très résistante au stress. Je me suis dit qu’elle ferait une espionne parfaite ! Le travail d’écriture sur Fay Grim n’a pas été très important, le plus long a été de rassembler ces articles de journaux qui ont inspiré les scènes du film. Il a plutôt bien marché aux Etats-Unis. J’avais peur qu’il subisse le même sort que No such thing, qui pouvait véhiculer un discours terroriste. Il a été fait en 2000, et après le 11 septembre, le distributeur a pensé qu’il serait trop risqué et indécent de le sortir à ce moment-là et qu’il voulait attendre un an supplémentaire. Les gens le découvrent seulement maintenant. Mais pour revenir à Fay Grim, je crois qu’il a plutôt bien marché… Pour un film que j’ai fait ! (Rires)
Vous avez eu l’occasion de diriger Isabelle Huppert dans Amateur, comment en êtes-vous venus à travailler ensemble ?
Elle m’a écrit une lettre ! J’étais sur le tournage de Simple Men au Texas et en rentrant à mon bureau, Mon assistant m’a dit : « Tu as reçu un fax ». C’était un fax de l’agent d’Isabelle disant qu’elle aimerait envoyer une lettre à Hal, est-ce bien la bonne adresse où lui écrire ? ». Et mon assistant a cru que c’était une blague et m’a dit « tiens, quelqu’un qui s’appelle Isabelle Huppert veut t’écrire une lettre ». Genre « Waouh ! ». Nous nous sommes rencontrés après la fin de Simple Men, et elle m’a dit qu’elle aimerait tourner en anglais et que ce soit drôle, parce qu’à cette époque, elle pensait que personne ne lui permettrait d’être drôle dans un film français !
Je crois savoir que vous avez eu du mal à trouver des fonds pour votre dernier projet Meanwhile, que s’est-il passé ?
Non, en fait le film a été très rapidement bouclé et j’avais trouvé les fonds tout de suite. À la base, je voulais faire un show TV, parce que c’est ce que les gens regardent de nos jours. Aux Etats-Unis, ce qu’on propose à la télévision est assez intéressant. J’ai fait ce film d’une heure, il n’a pas coûté très cher et c’était très facile de trouver l’argent. Puis je me suis dit qu’il fallait faire une série télévisée et j’ai écrit six autres épisodes. J’ai passé presque toute cette année à parler avec les gens des chaînes de télévision. C’était presque bon, mais la série de six les effrayait un peu. Ça ressemblait trop à l’attitude des « Occupy Wall Street » même si ça avait été écrit un an auparavant.
Mais j’ai trouvé une solution qui a beaucoup de succès. Mon site internet compte une longue liste de mails. On a donc écrit un mail à tout le monde : « nous avons ce film, on peut faire des DVDs et les distribuer partout dans le monde. Combien d’entre vous serait prêt à payer vint-cinq dollars pour un film, de la musique et un design sympa ? ». On a utilisé un service qui s’appelle Kickstarter, très sécurisé pour les gens. Nous avions besoin de 40 000 dollars pour designer et fabriquer les DVDs. Nous en sommes à 50 000 dollars. Je n’ai jamais eu un contact aussi direct avec mon public partout dans le monde, au Japon, en Europe ou aux Etats-Unis. En rentrant à New York, il me reste donc à le designer.
Quel genre de public avez-vous aux Etats-Unis ?
À travers ce procédé de distribution directe, j’ai une meilleure idée de qui ils sont maintenant, parce qu’ils vous écrivent par mail. Ce n’est pas un spectateur américain mais un belge qui m’a écrit une chose sympa : « Je dépenserai de l’argent pour tous vos projets de toutes façons, donc c’est vraiment génial de pouvoir vous donner l’argent d’abord pour que vous puissiez mener à bien vos projets ». Il y a une nouvelle génération qui découvre mes films plus tardifs. Ils ne trouvent pas Trust me ou Simple Men qui sont eux visibles ici, mais trouvent No such thing ou Fay Grim qui semblent leur parler davantage. Ils les trouvent majoritairement sur des sites de vidéo à la demande, méthode vers laquelle je me dirige en ce moment. Ma principale source de revenus concernant mes films vient des plateformes de téléchargement légal, type iTunes, Netflix et Amazon.
Quel est votre prochain projet après Meanwhile ?
> Les films de Hal Hartley sont à voir ou revoir pendant les Rencontres cinématographiques de Seine-Saint-Denis, du 16 au 27 novembre 2011.
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> Site officiel de Hal Hartley ici
(1) Le rigger est un technicien qui s’occupe d’accrocher les éléments de l’éclairage ou du décor sur un plateau.