Pourtant le concept même du remake ou, ici, du reboot (rajeunir une franchise et la réactualiser) n’exclut pas nécessairement la réussite artistique du projet. Des réalisateurs ingénieux comme Alexandre Aja (La Colline à des Yeux) ou Rob Zombie (Halloween 1 et 2) ont même fait des merveilles en surpassant un matériau de base culte mais vieillissant. Platinum Dunes, la boîte de production créée par Michael Bay, s’est, elle, spécialisée dans le remake des grands classiques de l’horreur avec le plutôt bon Massacre à la Tronçonneuse de Niespel en 2003 mais aussi l’infâme Hitcher quatre ans plus tard.
Le remake des Griffes de la nuit, toujours chapeauté par Platinum Dunes, s’annonçait plein de bonnes intentions et avait tout pour ravir l’amateur de gant griffu et de pull troué, sans doute frustré par la médiocrité des derniers épisodes. La présence de Jackie Earle Haley (Watchmen) dans le rôle de Freddy, en lieu et place d’un Robert Englund devenu trop parodique, semblait alors la meilleure idée du monde. Freddy Krueger, jusqu’ici simple tueur d’enfants, devient en outre ouvertement pédophile afin d’offrir un opus plus sombre et effrayant.
Hélas, n’est pas Rob Zombie qui veut ! Le résultat final est estomaquant de stupidité à tel point qu’on ne sait plus qui accuser pour justifier un tel nivellement par le bas de l’œuvre originelle. Samuel Bayer qu’on connaissait comme talentueux clippeur (Smells like Teen Spirit de Nirvana) n’est pourtant pas le dernier à se moquer éperdument de ce qui peut bien se passer à l’écran. La construction du premier acte est à ce titre catastrophique, ne bâtissant aucun personnage et aucune ambiance. La première demi-heure, introduite in medias res par une succession de rêves dans lesquels Freddy vient faire coucou, annihile à une vitesse foudroyante la moindre parcelle d’ambition qu’on nous avait pourtant allégrement contée. D’autant qu’au moment où Bayer se décide enfin à raconter une histoire, quarante-cinq longues minutes viennent de s’écouler péniblement.
Changement d’époque, changement de style. Le casting d’origine qui comprenait tout de même un fringuant Johnny Depp trouve ici son équivalent dans une bande de faux adolescents (dix ans de trop au compteur) blafards et dépressifs façon Twilight. Cependant les acteurs font ce qu’ils peuvent avec une caractérisation de personnage inexistante et on notera même la présence du sympathique Thomas Dekker (tête d’affiche de l’excellent Kaboom), dans un second rôle bien vide.
Le problème majeur vient bien évidemment du traitement infligé à Freddy qui manque non seulement de consistance dramatique mais aussi d’une iconisation digne de ce nom. A quoi bon engager Jackie Earle Haley si c’est pour masquer toutes les nuances de son jeu derrière un maquillage trop lourd et le filmer en plan large dès les premières minutes du métrage ? Surtout que l’acteur, choisi à l’origine pour injecter une peur plus vicieuse et frontale à son personnage de croque-mitaine, se retrouve finalement à baragouiner mollement des calembours scandaleusement mauvais. Si on rajoute à cela un traitement timidement asexué de la nouvelle facette pédophile de Freddy (finalement plus prégnante dans le Craven) et une violence graphique inexistante, on obtient un film de studio dramatiquement frileux, débarrassé de toutes les ambitions du projet de départ. Preuve en est, la fameuse séquence de la baignoire reprise de l’original condense en moins de trois secondes toutes les tares de cette nouvelle version, il suffit seulement de comparer. Adieu aussi la mort délicieusement graphique de Johnny Depp qui fait désormais office de pornographie à côté des meurtres aseptisés du métrage de Bayer.
Pour rappel le personnage de Freddy ne peut évoluer que dans les rêves de ses victimes, qui finissent par lui succomber dans l’univers onirique comme dans la réalité. Cette double dimension nécessite de vrais partis pris de mise en scène dont semble malheureusement totalement dénué Bayer, qui se borne à flouter les bords du cadre pour faire comprendre au spectateur que le personnage est en train de rêver. La réalisation, indolente au possible, enchaîne sans honte les pires facilités pour faire sursauter le spectateur à défaut de lui infliger une réelle terreur. Pour cela, les scénaristes ont inventé le concept du micro-sommeil afin de justifier les apparitions éclairs de Freddy lorsqu’il ne se passe rien. Pire encore que la fainéantise de Bayer, la partition de ce nouveau Freddy ne cesse d’exhiber sa fadeur et sa mollesse jusqu’à ce qu’il soit presque impossible d’y porter la moindre attention. Seul deux ou trois techniciens, désireux de justifier leur salaire, parviennent à soigner certains aspects non négligeables comme la photographie et certains décors. Mais filmés n’importe comment, à quoi bon ? Evidemment, la promotion réussie de ce nouveau Freddy en a fait un vrai petit succès malgré une réception catastrophique chez les fans et la critique. Le deuxième serait déjà en chantier. On parle de Samuel Bayer à la réalisation… Tiens donc !
L’Ultimate Edition de Freddy, les Griffes de la nuit comprend dans le même boîtier le DVD et le Blu-Ray. Cependant, seul ce support profite de l’intégralité des bonus, le dvd ne comprend que le module « La Ré-invention de Freddy Krueger ». La copie Blu-Ray est relativement soignée et met plutôt bien valeur le travail artistique de Jeff Cutter, le directeur de la photographie.
Les bonus se divisent en plusieurs modules plutôt classiques, comme des scènes coupées assez notables puisqu’elles proposent une nouvelle introduction et surtout une fin alternative assez différente de l’originale (mais pas plus inspirée). Pas de commentaires audio mais un chapitre intitulé « Maléfique Movie Mode » qui débouche sur différentes interviews contextuelles lors du visionnage du film. Intéressant mais on aurait préféré qu’elle soit disponible indépendamment dans un autre menu. Enfin, le dernier module « La Ré-invention de Freddy Krueger » regroupe thématiquement d’autres interviews promotionnels pas désagréables à regarder mais nous donnent inévitablement l’impression d’avoir vu un autre film. Tout particulièrement lorsque Jackie Earle Haley nous raconte son enthousiasme débordant pour le projet et ses recherches très poussées sur les serial killers. Bayer est, lui, presque absent des bonus, a contrario des techniciens qui nous racontent avec plaisir la genèse de leur travail.
Articles recommandés