Dream House

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Le trop rare Jim Sheridan s´égare dans ce mélo fantastico-mystérieux qui joue au plus malin, sans parvenir pour autant à dépasser le stade de divertissement standard.

Lessivé par son boulot d’éditeur, le fringant Will Aterton décide de quitter la Grosse Pomme pour s’installer en campagne, et y rejoindre sa femme Libby et leur deux filles. Problème, la maison de leurs rêves a un lourd passé, et d’étranges individus rôdent autour. Que leur veulent-ils ? Quel est le secret de cette maison ?

Intrigante histoire. N’importe quel spectateur acquiescerait : une unité de lieu bien connue, un mystère à élucider où l’enquête du héros se conjugue à la soif de réponses du public. Et une pincée de fantastique pour épicer le tout, la tragédie passée hantant dans tous les sens du terme la maison de Will et des siens. Jim Sheridan est aux manettes, et un brelan de stars au-dessus de tout soupçon finit de vendre la recette du divertissement parfait. Le problème de Dream House, c’est peut-être que toute l’équipe a eu conscience de justement emballer un nouveau divertissement rapidement consommable. Dans l’air du temps, pas sûr de son originalité, mais piochant dans tous les genres et les clichés qui y sont attachés pour attirer à coup sûr le chaland. D’où l’illusion que de ce ragoût cuisiné au petit bonheur la chance pourrait sortir un mets digne des plus grands.

 
Twist and laugh
 



Pendant les premières scènes de Dream House, on a envie d’y croire. Le légendaire directeur photo Caleb Deschanel n’a aucun mal à poser une ambiance tantôt glaciale, tantôt pastorale, mise superbement en valeur par John Debney, qui se déchaîne à la première occasion à travers un déluge d’arpèges tranchants que n’aurait pas renié le James Newton Howard de Signes. Derrière la caméra, Jim Sheridan, cinéaste rare et précieux (de My left foot à In America), sait tenir son intrigue, créer du sens et de l’émotion de manière purement visuelle. Dream House bénéficie il est vrai d’un emballage très luxueux, lui assurant une production value supérieure à un quelconque téléfilm.

Mais c’est là que le bât blesse. Le script du film n’est en rien digne du grand écran, malgré une volonté de se démarquer de ses très gênants prédécesseurs. Les Autres, Sixième Sens, Shutter Island, les plus méconnus Troubles et le coréen Best-seller… Dans le genre déjà-vu, Dream House fait très fort, d’autant qu’on voit rapidement poindre le proverbial twist, dont la seule originalité (en plus d’être expliqué de manière aussi incongrue que ridicule) est d’arriver non pas dans le dernier acte, mais en plein milieu du métrage. Passée cette frustration, il faut donc s’accrocher pour redonner sa chance à une intrigue qui s’enfonce minute après minute dans l’incohérence, les dialogues capillo-tractés et le manque de conviction typiques, justement, des téléfilms dont raffolait les fans d’Hollywood Night. Daniel Craig peut écarquiller les yeux et jouer des maxillaires pour nous émouvoir sur son triste sort, Naomi Watts et Rachel Weisz peuvent bien sortir leurs plus belles moues concernées, Dream House ne passionne plus. Ces fantômes, ces méchants à la Scooby-Doo, cette ambiance pesante ne reposant, littéralement, que sur du vent, on les a déjà trop vus. Ailleurs, en mieux, avec une conviction plus puissante. Le dernier plan, aussi mal amené que surréaliste, achèvera les spectateurs les moins conciliants. Ceux qui ne peuvent encaisser qu’un scénario aussi banal, aussi soigneusement emballé soit-il, ait attiré autant de talents. Triste réveil, en effet.

Titre original : Dream House

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Durée : 91 mn


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