Refusant la modernisation que beaucoup attendaient d’elle, surtout depuis qu’il fut annoncé que Pete Doherty incarnerait le personnage principal, la cinéaste ne transpose pas le roman d’Alfred de Musset, et place son action en 1830, près de Paris. Seul compromis important dû au choix du britannique dans le rôle-titre, le film est en anglais, et Musset voit son œuvre traduite.
Une fois la dynamique de la langue digérée, il est évident qu’on se concentre sur l’interprétation du jeune Octave par le chanteur. Trahi par sa maîtresse, il plonge durant le premier tiers du film dans ce « mal du siècle », une langueur mélancolique (aujourd’hui appelé dépression), dont il ne sortira qu’après avoir rencontré Brigitte (Charlotte Gainsbourg), veuve de dix ans son aînée.
Il y a quelques scènes réussies, où Sylvie Verheyde parvient à rendre sensible une certaine "décadence d’époque", à coups de travellings vaporeux et de morceaux pop entêtants (excellente bande originale de Nousdeux the Band). La mise en scène n’est d’ailleurs pas avare de quelques fébrilités qui collent aux tourments libertaires des personnages, et la cinéaste n’enrubanne pas son film d’une photo léchée, elle laisse la lumière vive du jour frapper des visages cernés, ou un éclairage à la bougie aux clairs-obscurs presque sensuels. Mais l’ambiance ne fait pas une fête, et la seconde moitié du film, concentrée sur l’histoire d’amour proprement dite, manque de chair, de rythme, et parfois même de clarté.
Autant on saisit bien la résonnance entre le romantisme comme posture destructrice, et le statut contemporain de rock star que traine Pete Doherty, autant c’est la force de son aura qui pose problème. Que le musicien ne soit pas un acteur très aguerri passe encore, bien qu’il soit difficile de croire à la profondeur des tourments écrits (et vécus) par Musset dans sa bouche, mais à aucun moment on ne parvient vraiment à voir autre chose que le chanteur des Libertines. Pete Doherty est un pur produit de son époque, la nôtre, il parle, marche et s’exprime avec une indolence, une désinvolture et parfois une vulgarité bien de notre temps. Le jeune trentenaire est là, un peu esseulé, engoncé dans ses costumes trop serrés, sa raideur et son maintien artificiels font peine à voir. La fièvre amoureuse, le tourment d’Octave qui ne sait plus s’il doit croire en l’amour, ne s’incarnent jamais, même si, par ailleurs, on avait très envie que l’alchimie opère.
On regrette que la tentation de moderniser le roman du XIXe, et la bonne idée de casting, n’aient pas libéré la cinéaste du carcan de l’époque, qui ne lui convient définitivement pas.