Chacun son cinéma

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A l’occasion du 60ème anniversaire du désormais très grand Festival de Cannes, Gilles Jacob a eu l’envie et l’idée de produire et construire une œuvre collective fondée sur des œuvres personnelles. 34 grands noms du cinéma d’aujourd’hui ont donc conjugué leur talent et réalisé 33 courts métrages, de 3 minutes chacun, autour du thème de […]

A l’occasion du 60ème anniversaire du désormais très grand Festival de Cannes, Gilles Jacob a eu l’envie et l’idée de produire et construire une œuvre collective fondée sur des œuvres personnelles. 34 grands noms du cinéma d’aujourd’hui ont donc conjugué leur talent et réalisé 33 courts métrages, de 3 minutes chacun, autour du thème de la salle de cinéma. Chacun(e) fait son cinéma pour Cannes.

Les rapports à la salle obscure sont variés et le lien que tissent les réalisateurs avec cet « instrument » de cinéma est bien souvent privilégié et assez personnel (dans la majorité des courts-métrages, la salle de cinéma est généralement vide, ou presque).

Néanmoins, les approches sont nombreuses et diverses. Certains choisissent, par le biais de leur court métrage, de rendre hommage à Federico Fellini (Dans le Noir de Andrei Konchalovsky), à Marcello Mastroianni (Trois minutes de Theo Angelopoulos) ou encore à Charlie Chaplin, comme le fait Chen Kaige dans son film Au village, plein d’humour et d’émotion. D’autres témoignent d’une approche beaucoup plus personnelle : Nanni Moretti, par exemple, se met lui-même en scène dans Journal d’un spectateur. D’autres enfin ont décidé d’aborder ce thème de manière très autobiographique tels que Youssef Chahine ou Claude Lelouch qui remercie d’une certaine façon ses parents de l’avoir « initié » au cinéma.

Cependant, même si les approches sont composites, certains thèmes restent « récurrents » : l’interaction entre la toile et la salle, les films classiques, le sexe, la cigarette, la fascination pour la machinerie, les scènes d’amour, la religion, le spectateur aveugle… Beaucoup mettent en avant de manière plus ou moins explicite la question de l’avenir du cinéma : ainsi David Cronenberg l’exprime très fortement à travers son film, dans lequel il met en scène le dernier juif dans la dernière salle de cinéma du monde. Celui-ci essaie de mettre fin à ses jours sur fond de commentaires TV quelque peu futuristes.

Mais 3 minutes, c’est court, et 34 réalisateurs, c’est beaucoup !
Certains petits bijoux sortent du lot, comme le très insolite court métrage de Manoel de Oliveira (Une rencontre unique) qui habille pour l’occasion Michel Piccoli en Khrouchtchev et le plonge au cœur d’un film muet dans lequel il rencontre le pape Jean XXIII. En regardant le film, de Zhang Yimou, est aussi une grande réussite, à la fois très drôle et très émouvant, où deux hommes amènent un projecteur dans un village perdu…malheureusement, il faut attendre la nuit pour la projection, et que l’attente peut parfois être longue, très longue ! D’autres se remarquent car on reconnaît dès les premières images, ou les premières notes de musique, le nom du réalisateur qui se cache derrière ce petit film (ceux de David Lynch, Wong Kar Wai ou encore Gus Van Sant).

Malheureusement, l’enchaînement des 33 courts métrages ne marque pas véritablement les esprits. Le spectateur ressort de la projection un peu perdu, noyé sous toutes ces « informations », et seule une dizaine d’entre eux nous trottent dans la tête en sortant. Le concept et le thème général sont intéressants, mais il aurait peut-être été préférable de montrer ces courts d’une autre manière, pas tous les uns à la suite des autres. Ce qu’il en ressort ressemble à un fouillis dont le spectateur peut difficilement se souvenir.

Titre original : Chacun son cinéma

Réalisateur :

Acteurs :

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Genre :

Durée : 120 mn


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