En ce jour de superstition et d’espoir limité de victoire au loto, la chance sourit à mon Festival de Cannes. Outre le cocktail déjeunatoire organisé par Mr. Fnac et Mr. AlloCiné auquel j’ai pu assister et déguster champagne et mini-opéras en compagnie de Nikos Aliagas, la Croisette a offert tout ce que rêve un rédacteur cannois. Tout d’abord les réactions des spectateurs, une source inestimable d’analyses impitoyables qui se résument souvent par ce dialogue poignant :
« Et alors, t’en as pensé quoi du film?
_Il est bien.
_Oui. Moi aussi, je trouve qu’il est bien.
_J’ai faim.
_On va manger ?
_Ok. »
Il y a toutes sortes de personnages à Cannes et c’est ce qui fait la force de l’évènement. Il y a aussi des cinéphiles convaincus capables d’ovationner Kim Ki-duk et son film autobiographique stupéfiant où il met son ego à nu, vagabondant dans les bas-fonds d’une réflexion sur les réalisateurs, son cinéma et surtout… son cinéma. Le réalisateur de 15 films en 13 ans s’était arrêté net dans son processus de création après le grave accident de la comédienne principale de son dernier film. Tourmenté, choqué, il n’arrivera plus à filmer malgré son besoin vital de prendre une caméra. C’est ce qu’il raconte dans Arirang, sélectionné à Un certain regard, en se filmant dans une petite cabane où il va interpréter tour à tour son ombre, son analyste, sa conscience et sa peur. Le Festival de Cannes aura cette année au moins sauvé une âme, celle de ce réalisateur qui confesse qu’il ne serait rien sans cet intérêt international sur ses films puisque ignoré dans son pays natal, la Corée du Sud. Un film étonnant qui s’épuise légèrement mais qui offre une vision radicale du réalisateur de cinéma.
La Compétition semble raviver les foules. Autour de nous, on ne parle que d’Habemus Papam (Nanni Moretti) et de Polisse (Maïwenn). En croisant un Joey Starr apaisé et sourire en coin, on semble imaginer qu’il est ravi de son coup : on le mentionne déjà pour la récompense de la meilleure interprétation masculine pour son rôle de flic. Il sera cependant en concurrence avec le jeune garnement terrifiant qui joue le fils de Tilda Swinton dans We need to talk about Kevin, œuvre puissante sur l’enfance et la relation mère/fils. Partant d’un fait imitant la tuerie de Columbine, la réalisatrice Lynne Ramsay s’intéresse à la mère de l’adolescent meurtrier et du processus qui a conduit à ce comportement déviant à partir de sa conception même. Sans jamais basculer dans l’excès de style, le film s’accompagne de comédiens d’une extrême justesse réussissant à nous bousculer constamment sur cette simple interrogation : Un enfant doit-il forcément aimer sa mère ? Et vice-versa… N’offrant pas de réponses précises, la réalisatrice permet une réflexion judicieuse sur l’origine du mal. Est-il inné ou acquis ? Légèrement éméché par le verre de champagne enfilé à jeun, je me pose toujours la question. Qu’en pense Nikos ?
L’équipe de We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay
© Lætitia Lopez
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