Cannes 2018, jours 8 et 9

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La fin de festival pointe son nez et déjà, certains films en Compétition se démarquent grandement pour la Palme d’Or. À commencer par « Capharnaüm » de la talentueuse réalisatrice Libanaise Nadine Labaki (« Caramel », « Et maintenant, on va où ? »).

De l’émotion certes, mais surtout enfin un film en lice qui raconte quelque chose, qui donne du pouvoir au cinéma tout en étant particulièrement bien réalisé.

Un enfant et un nouveau nom dans le cinéma : Zaïn Alrafeea

Il crève l’écran. Zaïn joue Zaïn, dans ce film bouleversant qu’est Capharaüm, un garçon d’à peu près 12 ans qui, en plein Beyrouth et alors emprisonné, attaque ses parents en justice. La raison ? Ils lui ont donné la vie, alors qu’ils ne lui ont jamais donné un peu d’amour. L’histoire est difficile à lire. En plein Liban, certains enfants nés dans une extrême misère prennent corps dans ce long métrage à la fois sensible, engagé et intense. Pendant ce film, on suit le parcours choatique de Zaïn qui, pour défendre son opinion et survivre, décide de se rebeller, d’attaquer ceux qui sont sur sa route. Peu importe son âge, il est fort ce garçon, intelligent et il se bat.

Avec une extrême sensibilité et une direction de (très jeunes) acteurs incroyables, la réalisatrice réussit le pari fou de donner du sens au cinéma, avec ce film puissant. Depuis le début du festival, aucun autre long métrage n’a eu ce courage, par peur d’être attaqué – comme l’est aujourd’hui Capharaüm, à coup de film « trop émotionnel ». Oui, Nadine Labaki a sorti les violons, oui, Nadine Labaki a décidé de raconter l’histoire d’un enfant né entre la poussière et la violence, d’une sans papiers éthiopienne mère malgré elle, d’une famille qui a oublié ce qu’était l’amour. Et pourtant, ça fonctionne. En laissant le film venir à soi, en l’accueillant comme un objet de cinéma, on comprend vite sa portée forte dans nos quotidiens. On se questionne, on s’interroge sur notre monde, la manière dont il tourne. Et surtout, il y a une mise en lumière du droit des enfants intéressante. Quelle parole ? Quelle vie leur accorde-t-on dans notre monde fait d’injustices ? A travers ce film, la réalisatrice donne enfin un sens à la Compétition Officielle. Elle nous fait réagir. Nous bouleverse ou nous énerve. En tout cas, elle nous faire vivre quelque chose ici, à Cannes.

David Robert Mitchell s’est noyé sous son lac d’argent

Aussi en Compétition, le jeune réalisateur Américain David Robert Mitchell nous avait fait espérer un excellent film, après son merveilleux It Follows. C’est raté. Le synopsis était pourtant convaincant. A Los Angeles, Sam, 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, Sam se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fera plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et de conspirations.

En dépit de l’esthétisme et la beauté de certaines scènes, il manque le principal : une histoire. Le film n’est pas à la hauteur d’une Compétition Officielle avec des références pop culture faiblardes et une volonté d’être branché avant de véritablement raconter quelque chose. Je passe mon tour.

 

Des films Hors Compétition grandioses

Lars Von Trier et Cannes, c’est un amour vache. Jamais un film n’a autant rempli le Grand Théâtre Lumière aussi tôt, à 8h30. Presque 3 000 personnes se sont enfermées face à ce long-métrage plus qu’attendu du réalisateur à scandale. États-Unis, années 70. Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.

 

A l’inverse, un documentaire est venu plus rapidement secoué notre esprit. C’est Whitney du très bon réalisateur Kevin Macdonald. Whitney Houston, qui a vendu plus de 200 millions d’albums, n’est pas seulement une femme chanteuse. Elle a changé la donne mondiale avec sa voix, son charisme et sa couleur de peau. Sa vie, son enfance entourée de frères très présents, son addiction à la drogue, sa sexualité, sa starification, son rôle dans Bodyguard, tout est raconté avec brio. Le montage est tout particulièrement exceptionnel dans ce film que l’on se fera un plaisir de revoir au cinéma, le 29 août.

 

Il fallait bien en louper un : Dogman de Matteo Garrone
Impossible de le rattraper, en séance du lendemain. On laisse donc un point d’interrogation sur le film du réalisateur italien, Matteo Garrone. Une histoire qui apparemment a du chien, avec un pitch de départ qui a du mordant. Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce… Sortie prévue le 11 juillet et peut-être une récompense à la Palm Dog – prix récompensant la prestation d’un chien dans un film en Compétition, à Cannes cette année.

A venir pour le dernier jour, Un Couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, un rendez-vous avec John Travolta et les Talents Adami 2018 avec plusieurs acteurs réalisateurs en interview.


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