Cannes 2018, jours 1 et 2 : moins de glamour, plus d’engagement de la part du Festival

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Cette année, le Festival de Cannes s’engage. Avec un jury majoritairement féminin, des films deux fois plus LGBT et le premier film Kenyan présenté à Cannes, c’est l’année du grand chamboulement.

La première montée des Marches de Cannes version 2018 a eu lieu mercredi, avec le film Everybody Knows d’Asghar Farhadi. Penélope Cruz et Javier Bardem ont placé cette ouverture sous le signe du glamour, avec une soirée d’Ouverture Officielle des plus réussies et un film charmant. Le lendemain matin, pour le tout premier film de la Compétition Officielle, retou que cette année, était fort différent avec une sélection de films pour la plupart pointus et exigants. Adieu les paillettes, pour laisser place à des réalisations venues du monde entier (France, très nombreux comme chaque année, Italie, Liban et même Chine). Le décor a également changé. En cause un renforcement de la sécurité. Les selfies des monteurs de marche ne sont plus autorisés sur le tapis rouge. La presse ne peut plus voir le film de la soirée le matin même (pour éviter les fuites dans la journée). C’est donc la première fois depuis longtemps que la Montée des Marches à 19h est un véritable événement. Et tant mieux !
 
Très belle surprise avec la comédie À genoux les gars (Un Certain Regard)
C’est le jeu de Cannes, il faut faire un choix entre les différentes compétitions. L’Officielle, en projection presse le jour même à 19h dans les salles Debussy et Bazin ou le lendemain matin à 8h30, la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique, l’ACID, les films Hors Compétition et Un Certain Regard (rarement déçue par leur programmation assez pointue et originale). Justement, dans cette dernière catégorie, le film A genoux les gars (Sextape) d’Antoine Desrosières commence fort avec un long-métrage sur quatre jeunes, deux filles, deux garçons. L’histoire crue et décomplexée d’un chantage, entre sexe, fellation et famille. Même si au début du film, on se sent légèrement mal à l’aise avec leur langage direct, progressivement, le film utilise la comédie pour y aller pleinement. C’est drôle, c’est divinement bien écrit et ça change. La présence de lycéens dans la salle a grandement joué sur l’atmosphère très bon enfant pendant la projection. Et malgré une réalisation assez cut, on vit leur histoire sans y aller par quatre chemins. Le film sort le 20 juin dans nos salles, une belle surprise à ne pas manquer.

Grande déception devant le Christophe Honoré (Compétition)
Alors que le film Leto du réalisateur Russe Kirill Serebrennikov a été, dans l’esprit des critiques, plutôt apprécié, par son voyage musical à Leningrad, le film lui aussi en Compétition Officielle de Christophe Honoré, Aimer, Plaire et courir vite a profondément été rejeté. Une salle très peu remplie, et à l’écran, un trio d’hommes homosexuels (Pierre Deladonchamps, Vincent Lacoste, Denis Podalydès) embarqués dans une histoire oscillant entre amours éphémères, maladie et discours sur la jeunesse et la vie… Malgré toute l’affection que l’on peut avoir pour les films de Christophe Honoré, celui-ci s’avère être le témoin de sa nostalgie, de sa jeunesse, dans laquelle nous nous sommes perdus. Certes, la photographie du film est appréciable, ses idées et ses couleurs bleutées sont poétiques, mais l’histoire est pauvre et les longueurs dans le scénario nous perdent dès les premières minutes. Comme une impression de voir 120 battements par minute présenté l’année dernière, en plus fade, moins intéressant et presque énervant.

 

 La délicieuse Carey Mulligan à Women in Motion

A côté du Festival, cette année, une très grande place est faite aux femmes. Le CNC organise des conférences sur le rôle des femmes dans la production de films, le Festival s’engage à défendre la sécurité des femmes pendant l’événement avec un numéro d’urgence, et bien sûr, Women in motion est une nouvelle fois l’occasion de s’intéresser en détails et avec de grandes actrices, réalisatrices à la représentation des femmes au cinéma, leurs impacts, leur combat.

Dans une suite du Majestic, Women in motion organisé par la prestigieuse marque Kering a, pour son premier talk, accueilli l’actrice Carey Mulligan. Présente pour son rôle dans le film de Paul Dano, Wildlife, à La Semaine de la Critique (excellent premier long-métrage au passage, sur Joe, dans les années 60, qui assiste impuissant à la lente dégradation des rapports entre son père et sa mère), l’actrice américaine nous a parlé de sa carrière et des rôles forts féminins qu’on lui a confié depuis ses débuts d’actrice. Après l’affaire Weinstein et le #MeToo ou Time’s Up à Hollywood, tout a changé. Sa voix si peu entendue précédemment l’est un peu plus aujourd’hui. En marge de l’interview, l’actrice nous a confié une confidence sur son son statut d’icône féminine. Elle n’a jamais regardé les films dans lesquels elle joue, une fois terminés. Même Drive. Plutôt surprenant…

Le premier film Kenyan au Festival de Cannes

Il s’appelle Rafiki de Wanuri Kahiu et c’est un micro événement sur la Croisette. Pour la toute première fois, un long-métrage venu du Kenya a été projeté ici, alors qu’il a été interdit dans son propre pays. Cette histoire d’amour entre deux femmes n’a pas été au goût des autorités kenyanes, accusé de promouvoir le « lesbianisme ». Un très beau film, intense, alors que s’aimer au féminin est illégal à Nairobie. Et une réalisatrice à l’image de l’esprit général du Festival de cette année, engagé, puissant, cinéphile à tout prix. Une très belle dizaine de jours au programme !

A retrouver demain, sur Il était une fois le cinéma, les critiques des films Cold War en Compétition et Le Livre d’images de Jean-Luc Godard.

 


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