Avant l’aube

Article écrit par

Raphaël Jacoulot réalise un très bon polar dont la principale force réside dans la qualité d´interprétation des acteurs principaux et l´efficacité de la mise en scène. Des atouts qui font oublier le classicisme du scénario et le label << made in France >> dont est victime le personnage de Sylvie Testud.

Certains réalisateurs parviennent, par leur seul talent de metteur en scène, à entourer leur film d’une certaine aura dont les effets se font ressentir au fur et à mesure que le spectateur oublie l’histoire principale au profit des personnages. Bagdad café de Percy Adlon est à ce titre un très bon exemple : le type de film dont on loue prioritairement les qualités techniques, la profondeur psychologique des personnages, la relation qui les unit…

Tout cela résume assez bien l’impression générale qui se dégage de Avant l’aube : presque aucune innovation scénaristique à déclarer mais un travail intéressant mené autour des personnages (avec en tête d’affiche un Jean-Pierre Bacri fidèle à lui-même et un très convaincant Vincent Rottiers).
La mise en scène efficace et maîtrisée de Raphaël Jacoulot permet ainsi de suivre avec intérêt les différentes évolutions psychologiques des principaux protagonistes.

Mais un élément dans ce film attire surtout l’attention d’une manière moins condescendante : le personnage de Sylvie Testud. Plus particulièrement la façon dont les traits caractéristiques de son personnage sont « forcés ». A l’image de son allure et son comportement désinvolte (un ensemble vestimentaire aux couleurs de l’arc en ciel, une façon trop « mémère » de parler à son chien, de glisser et tomber grossièrement par terre en éparpillant ses dossiers…), à quoi il faut ajouter une manière, peu commune pour un inspecteur, de mener son enquête avec si peu de rigueur et d’organisation (pas de stylo pour prendre des notes…).

Etait-il vraiment nécessaire d’ajouter de tels signes distinctifs, si pittoresques soient-ils, pour convenir au spectateur et lui rappeler que l’on est bien dans un film « français » ?


Titre original : Avant l'aube

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 104 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…