Imaginez de grandes tours délabrées et peu sécurisées de banlieues chaudes. Imaginez une ambiance urbaine pesante et délétère. Imaginez une jeune infirmière se faire racketter par une bande de jeunes sauvages cagoulés sans pitié. Maintenant, imaginez que la seule différence avec cet archétype de banal numéro de Zone Interdite présenté par un journaliste dépassé et mal cravaté est la chute d’un alien en pleine scène de vol de sac à main. Les joyeux bambins voyous vont devoir affronter d’affreux et horribles extra-terrestres pour défendre leur quartier de la banlieue Sud de Londres, mais aussi et surtout la planète. Tant qu’à faire.
Le film possède donc ce fameux concept en or tant convoité par nos amis producteurs de cinéma. L’inspiration d’Attack the Block est de mettre des monstres face à des petits monstres et inverser l’empathie envers les personnages principaux, véritables têtes à (grosses) claques devenant au fil de l’histoire d’agréables héros incompris. Le réalisateur et scénariste Joe Cornish réussit à surpasser son idée de départ et propose un film accompli et étonnamment bien maitrisé puisque, mélangeant science-fiction, humour british (toujours un plaisir…) et réflexion sociale subtile, il aurait été très facile de partir dans tous les sens et préjugés. Rien de tout cela dans Attack the Block : au contraire, le film est un modèle d’équilibre. Evitant les énormes aliens stylisés et les scènes trop spectaculaires, le film se veut très réaliste. Ici, pas de monstres intelligents et stratégiques, les ennemis sont primaires et simplistes, renforçant leur potentiel anxiogène.
Le réalisateur a eu la bonne idée de se balader longuement dans les quartiers sud de Londres pour écouter et apporter une touche d’argot et d’humour de rue dans les dialogues de son film offrant des séquences énergiques et des répliques savoureuses ultra-référencées telles que « Il pleut des Gollums ! » ou « Il faut appeler la police – Non, appelle plutôt les Ghostbusters.» De plus, les contraintes des décors urbains sont intelligemment utilisées, le traitement du bitume humide s’inspirant ouvertement des Guerriers de la nuit. Le« Block » devient littéralement un personnage essentiel de l’histoire. Difficile d’imaginer le même film dans un cottage au Pays de Galles.
Le film surprend même à disséminer adroitement un propos sur la crise sociale de cette jeunesse désabusée. Il la présente telle qu’elle est, pleine d’énergie, d’agressivité mal utilisée et surtout complètement perdue, sans jamais donner d’excuses faciles ou d’explications dépassées. Derrière le souhait de proposer un excellent divertissement flippant et drôle, il y a malgré tout l’envie d’offrir un regard différent et plus juste sur les jeunes de quartiers défavorisés, en permettant aux personnages d’utiliser leur rage et leur fierté dans un combat noble et salutaire. Jusqu’au symbole final du chef de bande devenu héros, sacrifiant tout pour sauver les siens (et l’infirmière devenue une amie) et s’accrochant péniblement au drapeau britannique qui trône sur l’immeuble en feu pour ne pas tomber. Même dans un blockbuster SF et fun, ce n’est pas la chute qui compte, c’est l’atterrissage.