A Casa de Alice

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Alice, la quarantaine, est manucure dans un salon de beauté. Elle vit dans la banlieue de Sao Paulo et partage un appartement avec sa mère Dona Jacira, son mari Lindomar, chauffeur de taxi, et ses trois fils, Lucas, Edinho, et Junior…

Ce sont des gens bien ordinaires que nous présente ici Chico Teixeira, réalisateur de documentaires dont les très récompensés, entre autres, Favela et Velhice. Des personnages qui pourraient hanter les films néoréalistes italiens, ou encore celui de Pedro Almodovar, Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? Peut-être parce qu’il s’agit de sa première fiction, le réalisateur avoue s’être entouré de grands scénaristes brésiliens pour écrire ce film conçu sans musique aucune, hormis celle qui s’échappe de la radio, seule « personne » extérieure à la famille et qui tient compagnie à la grand-mère, cantonnée au foyer.

Au départ, Chico Teixeira voulait réaliser un film sur la cécité mais, devant la difficulté à mettre en image l’absence de vision, il a écrit un scénario qui, en racontant le quotidien d’Alice, manucure dans un petit salon de beauté à Sao Paulo, approfondit les relations entre les êtres dans une société de plus en plus « schizophrénique ». Alice et son mari, Lindomar, chauffeur de taxi, ne s’entendent plus très bien, mais continuent de vivre ensemble pourtant, dans un petit appartement, avec leurs trois garçons aux caractères très marqués, et la grand-mère maternelle. Ce sont des arrangements au jour le jour, des disputes, mais aussi des gestes d’amour quelquefois entre, notamment, le puîné Edinho, tendre envers sa grand-mère, mais qui supporte de moins en moins le caractère autoritaire, voire fasciste, de l’aîné qui est militaire. La grand-mère perd peu à peu la vue. Ce n’est pas seulement un détail. Même si le réalisateur déclare que c’est car elle ne veut plus voir la misère et la saleté qui l’entourent, on pourrait y déceler une métaphore, plutôt, puisqu’elle est au contraire la seule à voir clair dans cet imbroglio familial. Si elle devient aveugle, qui sera à même d’assurer alors la clairvoyance ?
C’est elle qui voit que le fils aîné se fait payer pour tenir compagnie à un homme plus âgé, c’est elle qui assiste aux disputes et, notamment, à celle entre Alice et la toute jeune fille avec qui son mari la trompe. C’est toujours elle qui lave le linge sale, et découvre les petits secrets de chacun dans les poches des jeans. Perdant la vue, elle est la seule pourtant à voir encore clairement le monde tel qu’il est.

Remarquablement interprété, filmé en 16 mm gonflé en 35, ce qui lui donne un petit air encore plus Dogma, voici un film qui va sans doute emporter l’adhésion du public, on l’espère. Il a déjà connu un grand succès au Brésil, où il a permis de révéler le talent de Carla Ribas, dont c’est le premier grand rôle au cinéma, et qui dit avoir « sauté dans le gouffre » en se présentant au casting qui avait convoqué 1200 personnes. L’actrice peut être fière d’avoir été choisie, et de donner vie à une mère de famille rêveuse qui, finalement, tente d’aller jusqu’au bout de son rêve d’amour de jeuness. Même si Nilson, le bellâtre retrouvé, s’avère encore une fois être un fieffé menteur. Sa mère, au contraire, placée par son gendre et son petit-fils préféré, contre son gré, dans une maison de retraite, pourra pourtant y vivre enfin au grand jour sa passion téléphonique pour Carlinhos, le présentateur radio. Un très beau film, sans grand espoir sur l’humanité, et duquel les hommes ne sortent pas grandis.

Titre original : A Casa de Alice

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Durée : 92 mn


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