21 nuits avec Pattie navigue dans les eaux troubles de la fiction, où l’improbable le dispute au véridique, flottant gaiement sur la crête d’un récit décomplexé où tout est dicible, où les détails les plus sordides – la nécrophilie est au centre – font le sel de dialogues truculents et férocement drôles. C’est la patte Larrieu, eux qui n’aiment rien tant que jouer avec les infinies possibilités que procure le fait de raconter une histoire. Le récit, ici, est tout-puissant : en témoignent les interminables monologues de Pattie qui, à grands renforts d’anecdotes et de détails croustillants, dessine ses galipettes avec les hommes bien mieux que n’importe quelle représentation picturale. Le film des Larrieu, s’il parle beaucoup de sexe, en montre – c’est assez inédit – très peu, extrêmement confiant qu’il est dans la force évocatrice de la parole. Karin Viard est, à ce titre, formidable, capable d’une parfaite élégance dans l’énonciation des propos les plus grivois. Face à elle, Isabelle Carré en offre le subtil contrepoids : économe en mots, son visage évoque l’intérêt et, peut-être, plus tard, un nouvel éveil à la vie et à la sexualité.
21 nuits avec Pattie est, également, un film de fantômes, dans lequel les apparitions soudaines des vivants et des morts font armes égales : que le cadavre de la mère de Caroline disparaisse, et il n’est pas sûr qu’il ait été dérobé, peut-être s’est il simplement levé pour esquisser un pas de danse. De son côté, Caroline, bien terrestre, n’est sans doute pas tout à fait vivante. Les frères Larrieu, rarement aussi jubilants, se jouent des codes de la comédie érotique et du thriller, ne se privant presque de rien, pas même d’asseoir un esprit, en surimpression, à une table de déjeuner. En cela, leur film n’est bizarrement pas sans rappeler le travail d’Apichatpong Weerasethakul, autre grand conteur et filmeur de fantômes. Et comme à leur habitude, les frères Larrieu se gardent de toute explication psychologique pour tisser quelque chose de l’ordre d’un rêve panique : en mêlant subtilement le fantastique et le réel, 21 nuits avec Pattie ménage scènes d’ivresse et de mystère pur, pour dire aussi bien le bonheur que l’inquiétude d’être au monde.