Walter Hill

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Le succès du récent « Drive » offre l´occasion de mettre en lumière un cinéaste crucial : Walter Hill.

Grâce en soit rendue à Nicolas Winding Refn : Drive fut l’occasion de rappeler à notre bon souvenir l’importance de Walter Hill, dont The Driver servit de modèle au cinéaste danois pour son polar à succès. La faute à une seconde partie de carrière plus anecdotique (mais néanmoins solide), on ne retient généralement de Walter Hill qu’un efficace metteur en scène d’action mais guère plus. Il fut pourtant d’une importance cruciale par la continuité et la transition qu’il assura dans le cinéma américain au croisement des années 70/80. La continuité s’illustrait par un retour au classicisme de l’âge d’or hollywoodien, par une inscription dans des genres bien définis à une époque où le Nouvel Hollywood déconstruisit justement toutes ses fondations. Walter Hill représente ainsi un retour à un cinéma d’homme « à l’ancienne », sobre et viril, quand l’heure est aux antis héros torturés. La sobriété et l’épure de de sa mise en scène obéissent aux canons de simplicité directe chers aux grands cinéastes classiques comme Ford ou Walsh. Faisant figure d’ovni dans ce cinéma du milieu des 70″s, Hill assurait la continuité d’un Peckinpah par sa singularité mais aussi d’autres cinéastes qui surent cultiver leur indépendance dans le système studio (et face à la production d’alors) comme Samuel Fuller ou Robert Aldrich. Un film comme Le Bagarreur est ainsi typique de cette approche, par sa mise en valeur de la silhouette usée de Charles Bronson et sa modestie thématique.

Hill est pourtant bien plus qu’un simple passéiste et saura amener les préceptes du cinéma d’hier vers celui de demain. Avec The Driver, il tire un script de film noir basique vers le polar urbain et le cinéma d’action des 80’s en réduisant la dramaturgie et la caractérisation des personnages au strict nécessaire pour privilégier les moments forts. Un film comme Sans retour se démarque de son modèle Délivrance par cette même approche en creux et Les Guerriers de la nuit dynamite son réalisme urbain par une esthétique marquée qui en fait une des premières œuvres « comic book » convaincantes du cinéma hollywoodien. 48 heures invente quant à lui avec une énergie contagieuse un genre bientôt usé jusqu’à la corde : le buddy movie. C’est dans cet entre-deux tradition/modernité que Walter Hill est le plus brillant, le mélange se manifestant de manière surprenante (Le Gang des frères James et son casting réunissant d’authentiques fratries d’acteurs) ou déférente (Extrême préjudice et sa tentative de Peckinpah moderne). Au milieu des années 80, Hill, en devenant un simple exécutant plus doué que la moyenne, perdra de cette originalité, ses films vacillant entre projets impersonnels (Double Détente, véhicule standard pour Schwarzenegger) ou superficiel retour au passé (Dernier recours avec Bruce Willis). Il n’aura cependant jamais cessé de délivrer des œuvres solidement charpentées, où se retrouve par intermittences cette identité simple et efficace. Contrairement à un Carpenter qui perdra son crédit dans les studios par individualisme, Hill n’a pas su passer le cap du cinéaste intéressant à l’auteur. Il demeure néanmoins un cinéaste fondamental, toujours en activité de surcroît puisqu’un nouveau film, Du plomb dans la tête, avec Stallone, sortira dans l’année.

Bonne lecture avant un Coin du Cinéphile consacré à la célèbre société de production de Spielberg, Amblin’ !


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