Une épopée

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Premier long-métrage d´un grand globe-trotter, << Une épopée>> s´installe avec un jeune couple en Irlande. Bien sûr le voyage apporte un autre regard sur l´existence pour ces expatriés – mais malheureusement pas pour le spectateur dont l´esprit vagabond sort plutôt frustré.

Entre la promesse non tenue d’un titre romanesque, le dépaysement promis par l’histoire et le ton intimiste affiché dès les premières minutes (10 minutes s’écoulent avant que soient prononcées les premières paroles), Une Epopée suscite la curiosité par ses écarts.

Un début assez prenant où l’on suit l’installation en Irlande d’un couple de jeunes français et de leur bébé, venus y réaliser un projet professionnel et artistique associant leurs compétences respectives (créer une forêt destinée à devenir également un espace d’art contemporain). De L’Homme Tranquille à La Fille de Ryan, l’Irlande est une terre riche en souvenirs cinéphiles que François Margal prend un malin plaisir à esquiver, l’aspect "carte postale" des paysages verdoyants irlandais étant atténué par la réalisation sobre (peu de plans d’ensemble exploitant le décor, malgré le format 35 mm) et à la belle photo naturaliste de Sophie Cadet. Certaines séquences séduisent d’emblée, comme ce beau moment de sérénité suspendue lors de la première matinée de travail où le couple partage une cigarette en voiture. On retrouvait déjà cette paix et cette harmonie quelques minutes plus tôt, lors du voyage en voiture de la France à l’Irlande. On la retrouvera encore, vers la fin du film, à l’occasion de la visite d’une colline en pleine brume, séquence d’une grande beauté plastique et idéalement accompagnée par les chansons de Daniel Johnston. Plaisir purement visuel, le film est des plus prenants tant qu’il reste dans le non-dit.

L’option contemplative et axée autour de l’ambiance des lieux qui fonctionnait si bien est rapidement abandonnée. Le film se concentre alors sur les difficultés d’acclimatation que rencontre le couple de héros, et les problèmes personnels qui s’ensuivent. Malheureusement, le traitement des plus ternes dessert grandement le film. Mal du pays, horaires difficiles, projet commun moins harmonieux qu’il n’y parait, François Magal n’approfondit réellement aucune de ces directions potentielles, tellement survolées que le spectateur les devine plus qu’il ne les ressent réellement. De même, les rapports qu’entretiennent les Français avec les Irlandais sont assez tièdes. Hormis une jolie (mais facile) séquence de chants dans un pub, le choc des cultures tourne court.

Le couple formé par Thomas Blanchard et Sarah Perrin, très emprunté, est peu crédible. Dans la même démarche que l’ensemble du film, on ressent dans leurs prestations une volonté naturaliste dépourvue d’effets faciles, et au bout du compte, de vie. Cela se vérifie tout particulièrement pour Thomas Blanchard, auquel le scénario offre peu d’occasions de briller (hormis lors de la scène de départ), tandis que Sarah Perrin (plus expressive, dégageant plus de chaleur), parvient à être relativement touchante dans les moments où son personnage se trouve isolé ou contraint de quitter sa famille. Les dialogues, assez insipides, n’aident pas. Ainsi, toute intensité dramatique au niveau des personnages et des péripéties semble tuée dans l’œuf. Une nouvelle fois, l’intrigue trop lâche oublie de développer certains aspects pourtant essentiels de l’histoire, comme le projet artistique du couple (assez nébuleux en définitive), par exemple. On vogue ainsi de moments vains en séquences sans enjeux, jusqu’à ce que, à la fin du film, des vérités soient enfin dites lors d’un long dialogue amenant un nouveau bouleversement au sein de la famille. La cruelle absence d’émotions propre à cette dernière scène, achève de rendre ennuyeux un film qui manquait déjà cruellement d’implication. Une épopée est finalement assez froid et oublie, dans son anticonformisme, de créer empathies et sentiments chez le spectateur.

Titre original : Une épopée

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Durée : 85 mn


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