Un film apocalyptique
Après Les Garçons sauvages, encensé par certains mais peut-être un peu trop vite auréolé de prestige, voici le nouveau court métrage du très prolifique Bertrand Mandico, qui sera présenté à Cannes, dans une séance spéciale de la Semaine de la Critique. Le film s’étire pendant 38 longues minutes, après un titre qui pulse faisant penser à une mauvaise mise au point du projectionniste. Mais non, il n’en est rien : c’était sans doute un effet pour surprendre le spectateur, comme l’ensemble de ce film un peu foutraque, limite potache qui se cherche un chemin à travers les décombres de la science-fiction des années 50 ou du gore made in Cinecittà de Mario Bava. Un film OVNI qui pourrait être attachant, s’il n’était pas un peu prétentieux et quelque peu vain. On est d’ailleurs en droit de se demander pourquoi ce court métrage (puisque la catégorie moyen métrage n’existe pas officiellement) se retrouve présenté à Cannes comme s’il avait fallu surfer sur le petit succès d’estime des Garçons sauvages.
Presque les mêmes actrices
Encore une fois, comme pour Les garçons sauvages même s’il s’agit d’une équipe technique toute différente, il faut souligner le travail du directeur de la photo, Sylvain Verdet, et des décoratrices et costumières, respectivement Gabrielle Desjean et Pauline Jacquard. De fantomatiques actrices hantent le plateau presque déserté d’un film post-apocalyptique, vêtues comme dans un mauvais téléfilm, de strass et de paillettes. On reconnaît d’ailleurs au passage les mêmes actrices que dans Les garçons sauvages, comme Nathalie Richard, Elina Löwensohn, Vimala Pons, Pauline Lorillard. On y rencontre parfois les mêmes phallus pétrifiés et la même philosophie sur les sexes et le féminisme, évoquant bien sûr les cinéastes qui pourraient être les « maîtres » de Bertrand Mandico comme Rainer Werner Fassbinder ou encore Andy Warhol. Dans ce dernier film, plane aussi l’ombre tutélaire d’un Jean-Luc Godard lorsque la voix-off pontifie sur le rôle du cinéma qui serait « un gorille aux yeux qui brillent dans la nuit, et dont les ongles griffent ».
Le cinéma, un singe aux yeux qui brillent
En fait, gare au gorille, surtout le gorille du cinéma ! Ce court métrage raconte en fait l’histoire d’amour homosexuelle, entre deux femmes dont l’une est l’actrice au titre très peu superfétatoire d’Apocalypse, et l’autre réalisatrice du film au doux nom de Joy, à la fin du tournage comme métaphore de la création artistique qui se donne et se dérobe. Pourtant, le film ne manque pas d’idées, d’effets spéciaux dont certains sont volontairement ratés ou maladroits, de voix inquiétantes et sépulcrales, de profils et de visages intéressants, mais il lui manque peut-être un bon scénario si bien qu’on se dit que cet Ultra Pulpe n’est peut-être qu’une bande d’essai, un work in progress pour un nouveau film qui, ce coup-ci, fera l’ouverture de Cannes 2019 comme si la France se cherchait désespérément un petit génie à la manière de Xavier Dolan mais qui ne ferait pas la gueule au comité organisateur.