Durant quasiment neuf mois, les réalisatrices Petra Costa et Lea Glob vont suivre, capter et sonder l’intimité d’un couple. Les doutes, les petites disputes du quotidien, les gestes d’affection spontanés sont saisis selon le procédé habituel du « cinéma-vérité », qui consiste à donner l’impression que l’intrusion d’une caméra est rapidement ignorée par les protagonistes. Le talent d’Olivia Corsini et de Serge Nicolaï réussit à nous faire oublier leurs talents d’acteurs, tant le naturel et l’humour qu’ils imprègnent à leurs personnages sont touchants. Leurs qualités d’improvisation viennent, à plusieurs reprises, perturber et enrichir le script initial, les comédiens transformant ainsi des petites scènes du quotidien, comme la préparation d’un repas, en de longs et savoureux plans-séquences.
Sans pour autant négliger le point de vue masculin, les réalisatrices accordent une place beaucoup plus importante au corps et aux états d’âmes d’Olivia. La caméra n’hésite pas à dévoiler la progressive transformation du corps féminin. Durant de longs plans fixes cadrés au plus près, la jeune femme nous livre ses doutes, ses questionnements sur la nouvelle ère qui s’ouvre. Va-t-elle pouvoir continuer à vivre avec la même intensité sa passion artistique ? Sera-t-elle toujours une femme désirable aux yeux de son compagnon ? Cet aspect de l’œuvre, ce journal intime qui prend de plus en plus d’importance au cours du récit, finit progressivement par engendrer un certain sentiment de lassitude. Trop insistante, la caméra use et abuse de gros plans sur le visage et le corps de la comédienne. Répétitifs et solennels, les monologues impriment un caractère démonstratif aux intentions cinématographiques. Cette promiscuité, qui a pour vocation de susciter l’empathie du spectateur avec le personnage, conduit à une forme d’étouffement et finalement à un besoin de se détacher du récit.
Comédiens de théâtre, les personnages entretiennent un lien continu entre leur passion et leur vie. Cette fusion des deux univers donne naissance à de très belles et poignantes scènes. L’ouverture, qui nous transpose en plein centre d’une répétition de la troupe, se vit comme un enivrant ballet, où le souffle et la sensualité des comédiens parviennent à nous effleurer. Plus loin dans le récit, dans un moment de doute sur l’avenir de son couple, Olivia se transpose dans une pièce contemporaine, mi-dramatique mi-burlesque, dans laquelle les parents sont soumis aux vicissitudes de la garde de l’enfant. La scène finale où le couple reçoit leurs amis les plus proches s’inscrit dans la plus pure tradition tchekhovienne des réceptions où la joie et l’émotion jaillissent de l’effervescence des convives. On aurait aimé que ces doux moments de lyrisme et de fantaisie occupent une place plus importante au sein d’une œuvre qui ne manque ni d’intérêt, ni de singularité, mais qui a tendance par moments à adopter une tonalité trop grave et solennelle.