Portes qui grincent, ombres qui filent en arrière-plan, apparitions dans les buissons, violons stridents en bande son : tout y est, Derrickson est soucieux d’assurer le spectacle, de permettre aux spectateurs d’en avoir pour leur argent. De fait, il orchestre suffisamment bien la tension pour qu’elle ne retombe que très rarement : les scènes de jour, notamment, sont largement minoritaires – Sinister se joue de nuit, quand les peurs surgissent et triturent le personnage jusqu’au lever de soleil. Évidemment, pas un instant Ellison ne songe à allumer la lumière, ni à aller dans le grenier, d’où viennent d’étranges bruits, accompagné ou en journée. River le spectateur à son siège, éventuellement lui occasionner quelques nuits blanches : c’est le but assumé d’un film très respectueux de son genre et des attentes placées en lui. Ça marche très bien, surtout dans les deux premiers tiers, quand la menace est présente mais encore non identifiée : plus que les monstres indésirables, ce sont les images de meurtres qu’Ellison regarde en boucle qui horrifient. Derrickson les montre inlassablement dans un début de film à la 8mm, en même temps qu’il colle à son personnage, de plus en plus obsédé par les bobines.
L’aspect le plus intéressant de Sinister est celui de faire naître la peur en regardant un film montrant quelqu’un qui regarde un film : c’est l’angoisse d’Ellison qui est d’abord la nôtre, celle d’un homme qui ne peut plus détacher les yeux de détails sordides. L’argument est un peu balourd (la fascination de la société pour le morbide, la résurgence des snuff movies) mais dessine pour une fois un vrai personnage au cœur d’un film d’horreur. Ellison a eu du succès avec un livre, il y a une dizaine d’années, et tente de regagner le haut de l’affiche en exploitant des affaires qui l’empêchent de dormir mais qu’il est incapable d’abandonner puisqu’elles pourraient potentiellement lui ramener la célébrité. L’argument est d’autant plus bienvenu qu’Ellison est foncièrement antipathique et, qu’autour de lui, sa femme et ses enfants n’existent que très peu. C’est dans le dernier tiers que Sinister se perd, comme Insidious avant lui : quand il montre clairement les forces maléfiques à l’œuvre, qu’il les rend tangibles, palpables, et que l’imaginaire ne peut plus travailler. La trouille retombe, l’intérêt avec, tout juste ravivé par un finale étrangement pessimiste qui n’augure rien de bon pour une suite (le dernier plan est comme une promesse) mais atteste d’un vrai refus du compromis.