Il faut le reconnaître, le projet Secret Défense faisait saliver. S’attaquer à la DGSE, au contexte international fragilisé par les menaces terroristes, tenter de dévoiler, comme le dit le réalisateur Philippe Haïm, la guerre secrète et sans merci (entre les services secrets et les mouvances terroristes), donnait naissance à un plaisir haletant et un brin de fierté franchouillarde dissimulée sous la question : et pourquoi pas nous ? Car oui, seuls les américains et leurs productions bodybuildées concurrencent un marché composé de tentatives ajournées ou plates, indéniablement à des milliers de kilomètres d’un Syriana ou d’un Constant Gardener. Depuis quelques temps, les français se sont aventurés dans ses contrées politico-mondialisées sans satisfaire pleinement. Le nouveau protocole par exemple lorgnait du côté des trafics pharmaceutiques, rappelant la thématique du film de Fernando Mereilles, The Constant Gardener.
Plusieurs questions sautent aux yeux : comment façonner un film d’espionnage français ? Comment concurrencer un cinéma américain dont l’apanage à mêler entertainement et sujets sérieux est incontestable (en tous cas ces derniers temps et dans les années 70) ? Comment personnaliser un sujet international ? En un mot : qu’en est-il de Secret Défense ?
Les réponses tiennent dans un mouchoir de poche, dans un débat simple et classique : le fond et la forme. D’emblée, on peut reprocher à Phillipe Haïm de clairement reproduire le style des séries télévisées telles 24 heures chrono et Alias. Les bureaux de la DGSE sont de dignes épigones de la cellule sombre et informatisée de 24 heures chrono. Le parcours de Diane, alias Vahina Giocante, remémore les grandes lignes du parcours de Sidney Bristow, de son embrigadement, de son abnégation face à sa vie privée, de ses mensonges obligatoires envers sa famille ou son petit ami, de ses missions soudaines aux quatre coins du monde. Comme si la forme du film d’action et d’espionnage n’appartenait qu’aux voisins d’outre-atlantique, Secret Défense ne permet pas d’imposer un style français dans la mise en scène. Musique dramatisante ou oppressante, jump-cut à tout va, plan larges de 4X4 déboulant sur le tarmac d’un aéroport…chorégraphient une réalisation efficace dont Philippe Haïm n’a pas à rougir. La forme est virtuose, à la hauteur de certains divertissements américains, de leur montage virevoltant. Parvenant avec justesse à tempérer le gigantisme et parfois l’outrance du style, le réalisateur des Daltons embarque le spectateur sans prétention ni esprit de compétition dans un action movie.
La bât blesse lorsqu’il s’agit d’élever la psychologie des personnages – peut être ce à quoi tend le plus aisément le cinéma français – et de politiser l’intrigue du film. Il n’y a guère qu’une brève incursion dans un ministère qui permettait de croire en un film politique. Rapidement, l’ambition s’éclipse pour se focaliser sur les personnages, supposés mener l’intrigue. Car en effet, le scénario de Secret Défense réside dans l’aura des personnages, interprétés correctement, sans prouesse ni désastre par Nicolas Duvauchelle, Gérard Lanvin et Vahina Giocante. A l’exception de Pierre, interprété par Nicolas Duvauchelle, qui offre sans aucun doute l’histoire la plus saisissante, effrayante et copieuse, Diane et Alex manquent d’épaisseur, de passé et d’évolution. Certes, ce manque de caractérisation évite tout pathos et manichéisme, points fort appréciables, mais n’entraîne ni développement ni empathie à leurs égards. Malheureusement, sans vitalité psychologique, ils se réduisent à une idée. Diane porte l’étendard de la jeune étudiante fragile, manipulée par les services français secrets, tandis qu’Alex évoque le patriotisme forcené. Alors qu’une des motivations premières de Philippe Haïm se contenait dans l’apport d’humanisation de ses héros, il échoue. Dommage.
Force est de constater que, malgré ces 3 recherches et ces 6 conseillers, Secret défense ne fait que projeter les dires de la presse et des JT, sans fictionnaliser son film et ses personnages, ni implanter ses propos dans une réalité concrète, alors que les images du générique étaient une suite presque sans fin de superpositions. Fausse route et déséquilibre. L’actualité et le contexte international restent un point d’appui qui demeure superflu.
Il n’y a pas de secret, les américains resteront les maîtres des scénarii ficelés, entraînants, constructifs et réflexifs, imbriqués dans une mise en scène divertissante.
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