Ni pour, ni contre (bien au contraire)

Article écrit par

Caty, jeune cameraman de 27 ans, rencontre une bande de malfrats parisiens. Ils ont besoin d´elle pour filmer leur prochain braquage. Ayant pris goût à la vie raffinée de ce milieu (hôtels de luxe cannois, soirées arrosées, …), elle accepte d´intégrer l´équipe en devenant leur complice. Malgré le risque de la prison, elle participe au […]

Caty, jeune cameraman de 27 ans, rencontre une bande de malfrats parisiens. Ils ont besoin d´elle pour filmer leur prochain braquage. Ayant pris goût à la vie raffinée de ce milieu (hôtels de luxe cannois, soirées arrosées, …), elle accepte d´intégrer l´équipe en devenant leur complice. Malgré le risque de la prison, elle participe au casse d´un dépôt de transfert où se trouvent des fourgons blindés remplis d´argent.
A la différence de L´Auberge espagnole ou de Chacun cherche son chat, Cédric Klapisch ne raconte pas ici une histoire concrète qu´il a vécue mais tente une incursion dans le film de genre. Malheureusement, sans être dénué d´une certaine ambition, Ni pour Ni contre (bien au contraire) manque de souffle et se perd dans le << gangstero-comique >>.

L´ouverture du film prédisait pourtant un bon cru : utilisation de la voix-off du héros, présentation initiale du personnage, musique de Loik Dury, fidèle clin d´oeil du réalisateur… Bref, on retrouvait le << style Klapisch >>, découvert avec Le Péril Jeune et pérennisé par la suite avec Chacun chercher son chat, L´Auberge Espagnole, et dernièrement Les Poupées Russes. Cependant, malgré ce démarrage audacieux et une annonce d´intrigue plutôt haletante, on cherche en vain l´intention du réalisateur. Entre effets comiques et sérieux du genre, on ne trouve pas de repères auxquels se rattacher. On est étonné de voir les billets d´euro dans les mains de ces malfrats aux allures seventies. On ne cherche pas non plus à comprendre pourquoi Cédric Klapisch transforme l´excellent Zinedine Soualem en chorégraphe de cabaret.

Il faut regarder la présentation du film pour comprendre la démarche du réalisateur. Souhaitant renouer avec les films de voyous des années 40-50, Ni pour ni Contre (bien au contraire) voulait prendre le contre-pied de ses précédents films. Il est vrai que le spectateur est témoin de changements au cours du film. La voix-off de Vincent Elbaz s´éclipse pour celle de Marie Gillain, et la vie des petits voyous se tourne vers celle d´une journaliste trentenaire qui s´immerge dans un milieu masculin. Les thèmes abordés sont ceux des problèmes moraux qu´engendrent ce milieu et les différences de sexes ; cependant, ils restent sous-jacents. Par exemple, le choix difficile entre Bien et Mal auquel les gangsters sont confrontés et qui, de plus, devait être le point d´orgue du film d´après l´explication de Klapisch dans son making-of, reste flou. Dommage, les protagonistes déambulent dans les rues du Paris nocturne, sans les spectateurs…

L´étonnement se tourne donc vers le ton qu´emprunte le film : parodie, polar ou film de voyous ? Alors que le réalisateur a su capter et toucher le public en décrivant le malaise des << adulescents >> en quête d´identité dans ses précédents films, son dernier opus ne nous atteint pas et finit par ennuyer. Le mélange des genres livre un mièvre polar << gangstero-comique >>. Ne parvenant pas à trouver l´équilibre entre rire et drame, Cédric Klapisch nous semble mal à l´aise et son film sonne faux, fuyant la complexité habituelle des polars. L´humour au second degré et la volonté de divertir nuisent à la crédibilité du film qui tombe dans l´inconsistance. Alors qu´on attend d´un polar qu´il nous prenne aux tripes, qu´il renvoie la noirceur d´une ville, rien n´intervient ici. Malgré le charme certain de Vincent Elbaz, le film reste vide, plat, sans unité et sans dynamisme. Pas besoin de chercher de suspense ou de dimension tragique : les deux manquent à l´appel.

Seule la réussite visuelle et la mise en scène maîtrisée captent notre attention. Cédric Kalpisch le reconnaît dans les bonus du DVD : il a voulu retrouver la noirceur et l´ambiance nocturne des polars des années 40-50. Saluons aussi le jeu des acteurs, à l´exception de Marie Gillain : alors que les rôles masculins sont convaincants, l´actrice belge, pseudo Nathalie Portman dans Léon, reste figée dans la même expression de peur (visage fermé, yeux ronds et bouche grande ouverte) tout au long du film.

Malgré un bon démarrage et une réussite formelle, Ni pour ni Contre (bien au contraire) reste en deçà des grands films de gangsters. Dommage que le spectateur adhère si facilement à ce proverbe suisse : << On est ni pour, ni contre >>. Espérons que son prochain film, Paris, renoue avec le succès des ses premiers films pour que l´on puisse trancher.

Titre original : Ni pour, ni contre (bien au contraire)

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 111 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…