Méliès, le magicien de l´ombre

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A l’occasion de son 150e anniversaire, Georges Méliès est plus que jamais d’actualité. Le ciné-concert organisé en son honneur par ses petits enfants le 15 mai dernier, à l’occasion du festival « Les enfants font leur cinéma », en est une belle preuve. En attendant le prochain Scorsese…

Avec les festivités consacrées cette année à des personnalités telles que Marie Curie ou encore Franck Liszt, on en viendrait presque à oublier que l’un des plus importants cinéastes de l’histoire aurait eu 150 ans cette année. Georges Méliès, inventeur de la féerie cinématographique et l’un des premiers spectateurs de l’invention des frères Lumière, ne cesse de faire encore parler de lui. Hormis la projection en couleur du Voyage dans la lune lors de la soirée d’ouverture du 64e festival de Cannes, quelques manifestations commémorent cet anniversaire, comme la séance ciné-concert animée, jouée et racontée par les petits enfants du grand magicien. Ils ont offert au spectateur, le dimanche 15 mai, dans la mythique salle du cinéma Le Trianon un souvenir inoubliable.

Méliès a commencé sa carrière comme magicien dans le théâtre Grévin, il était l’un des premiers à assister à la projection de L’Arrivée du train en gare de la Ciotat au salon indien du Grand Café, le 28 décembre 1895. Les frères Lumière refusant de lui vendre leur appareil, le jeune illusionniste décide de s’en procurer un et cherche à faire comme les inventeurs de cet art, à savoir un cinéma réaliste. Lors d’une projection, sa machine se bloque pendant un court moment. En reprenant son mécanisme, quelques images sautent : l’un des personnages de la séquence avait miraculeusement disparu ! Cet incident donna à Méliès l’idée des premiers trucages. Avec des procédés de plus en plus sophistiqués et inventifs, il réussira dans L’Homme à la tête de caoutchouc à faire exploser son propre visage. Ou encore, dans un extrait plus connu, il parvient à faire amerrir la première fusée sur la lune. Il est également l’inventeur du premier studio de cinéma, construit avec une verrière pour toujours capter la lumière, et auréolé de bien d’autres ingéniosités. Installé à Montreuil, ce dernier a été détruit, mais la Cinémathèque française conserve encore une maquette de ce lieu prodigieux.

Ce studio représente d’ailleurs bien l’image de sa vie. Ruiné en fin de carrière, il tentera de brûler tous les négatifs de ses films (sauvés in extremis par son fils) et finira vendeur de jouets dans un kiosque de la Gare Saint-Lazare. On peut supposer que le plus grand hommage qui sera rendu au réalisateur sera fait par le plus grand des cinéphiles. Dans son prochain film, Martin Scorsese, qui adapte le conte pour enfant L’Invention de Hugo Cabret (qui sortira sur les écrans français en décembre 2011), raconte l’histoire d’un jeune garçon vivant dans les sous-sols du métro parisien et dont la vie va être changée par l’apparition dans son quotidien d’un robot. C’est Ben Kingsley qui interprétera le rôle de Georges Méliès. Connaissant le respect du cinéaste américain pour tous les pères du cinéma, il est sûr que sa vision du grand prestidigitateur sera des plus éblouissantes.

Pour son anniversaire, Méliès bénéficiera donc des festivités qui lui sont dues, que cela soit par un personnage de fiction, un événement culturel important, ou encore et surtout la restauration de son film le plus connu. Et, qui sait, peut-être ce renouveau fera-t-il sortir de son chapeau le maître des fantasmagories…


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