L’hiver dernier

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Froid et austère, « L’hiver dernier » vaut pour sa peinture précise d’un monde paysan sur le déclin, mais lasse sur la longueur.

Quelque part dans l’Aubrac, sur un plateau isolé et désolé, Johann avance, carabine à l’épaule, vers un destin incertain. Il a repris la ferme de son père, qui lui prend tout son temps et toute son énergie. Alors que s’installe un hiver rude, et que son exploitation est menacée par le spectre d’un rachat capitaliste, le jeune agriculteur se replie sur lui-même, se ferme à ceux qui l’entourent. Son héritage est sur le point de lui échapper, il continue pourtant coûte à coûte à accomplir les gestes du quotidien, alors même que son monde est au bord de l’anéantissement. Voilà pour le point de départ de L’hiver dernier, drame en milieu rural aussi aride par son thème que dans son traitement. Le premier film de John Shank, d’origine américaine, né et grandi au milieu des champs de maïs du Midwest, a de quoi désarçonner.

Il faut dire que L’hiver dernier est un peu désespérant. Parce que trop austère, trop pessimiste, le film ennuie presque d’emblée. La première faille réside dans le fait que le personnage de Johann résiste à toute tentative d’explication psychologique. Intention louable, par ailleurs, que de ne pas charger la barque d’un point du vue de l’affect, mais l’absence totale d’arrière plan familial ou mental empêche toute forme d’empathie à l’endroit de Johann. A trop jouer le détachement progressif et de plus en plus prononcé du jeune homme vis-à-vis de son entourage et de ceux qui l’épaulent, on finit par ne plus voir qu’un renoncement, une neurasthénie ambiante jamais tout à fait justifiée. Ce jeune homme blessé, c’est pourtant Vincent Rottiers, toujours formidable, aussi charismatique qu’animal. Grâce à un jeu fin et tout en instinct, il porte à lui seul un film plombé par son sujet. Face à lui, Anaïs Demoustier et Florence Loiret-Caillet, respectivement petite amie et soeur à problèmes, illuminent leurs trop rares scènes.

Reste que L’hiver dernier cultive un amour du détail et une manière d’embrasser les paysages assez remarquable. Chaque image respire l’attachement pictural de John Shank à l’espace, et particulièrement au grand espace. Filmés en plans larges, souvent longs et fixes, les champs de l’Aveyron deviennent un sol aussi hostile que le désert du Grand Ouest américain, conférant au film un côté western lo-fi. Tous les éléments y sont : le rapport à la terre, l’image du cow-boy solitaire, un ennemi invisible à combattre (ici, le capitalisme). Pour les cadres plus rapprochés, Shank cherche ses inspirations du côté d’un Terrence Malick : dans le vent qui bruisse, dans l’observation minutieuse d’une barrière de barbelés, plus explicitement dans la citation de La balade sauvage, dans la scène où Rottiers porte sa carabine sur les épaules. Comme influence, on a vu pire. Mais trop plombant, trop mutique, L’hiver dernier finit par lasser.

Titre original : L'Hiver dernier

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Durée : 103 mn


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