Leave It on the Floor

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Réjouissante comédie musicale sur fond de voguing ». »

Si c’est en 1990 que le voguing gagne en exposition grâce au clip – réalisé par David Fincher – de la célèbre chanson de Madonna, Vogue, c’est bien au début des années 1960 que la danse naît dans les quartiers new-yorkais de Harlem, Brooklyn et du Bronx. Une danse ultra-stylisée et moderne pratiquée dans les clubs gays underground, où jeunes homos noirs et latinos, désargentés pour la plupart, s’affrontent au cours de balls en incarnant les modèles glamour de la mode ou d’Hollywood, inspirées par le magazine Vogue. Postures rigides, lignes angulaires, maintien parfait : tout est dans l’attitude, il s’agit d’être la plus belle (la plupart des danseurs sont des drag queens), d’être “fierce”. Le mouvement a fait l’objet d’un excellent documentaire, Paris is Burning (Jennie Livingston, 1990), devenu une référence en la matière et considéré par les membres de la communauté de la ball culture aussi bien comme témoignage de cet âge d’or que comme exploration pertinente des questions de race, de genre et de classe aux États-Unis. Leave It on the Floor n’a pas la même ambition, mais a le mérite de remettre le voguing sur le devant de la scène.

Le mouvement, aujourd’hui peu documenté, est toujours actif dans une quinzaine de villes américaines, et le film de Sheldon Larry s’en fait l’écho, ayant d’abord à cœur d’approcher le milieu de matière réaliste. Le film suit Brad, jeune lycéen qui se fait mettre à la porte par sa mère lorsqu’elle découvre son homosexualité ; dans les rues de Los Angeles, il va découvrir les compétitions de voguing et intégrer la maison “Eminence”, dirigée d’une main de fer par Queef Latina, ancienne star du milieu. Leave It on the Floor s’ouvre sur un carton de soutien aux jeunes homosexuels chassés de chez eux pour leur orientation sexuelle, et qui fait craindre un film militant proche de la campagne de sensibilisation “It gets better” (« Ça ira mieux ») lancée aux États-Unis en septembre 2010 suite au suicide de Billy Lucas. Mais si le film de Sheldon Larry est bien un plaidoyer un brin gentillet pour la tolérance, c’est avant tout une comédie musicale réjouissante où bons mots et chorégraphies maîtrisées s’enchaînent à toute allure. À l’inverse de musicals récents comme Chicago (2002) ou Nine (2010) de Rob Marshall, qui reléguaient la performance à la scène, chants et danses font ici irruption à tout moment, avec 90% des dialogues (bien) chantés.

Leave It on the Floor est un film fauché, l’équipe technique majoritairement composée d’étudiants : c’est leur énergie qui tient le long métrage de bout en bout, notamment grâce à des trouvailles savoureuses (la séquence “Justin’s Gonna Call”, allusion à Justin Timberlake qui ne manquera pas d’appeler un des « vogueurs » lorsqu’il découvrira son talent) et des dialogues écrits avec justesse, dans un lexique novateur (le terme “glistening”, contraction de gay listening, à savoir la propension des homos à ne pas vraiment écouter au cours d’une conversation). Tout n’est pas très adroit – un enterrement aux deux-tiers du film vient lourdement souligner la rupture entre les jeunes danseurs et leurs familles, des éléments romantiques tombent à plat -, mais l’ensemble, mélange d’obstination, d’optimisme forcené et de phrases bien senties, pourrait bien faire de Leave It on the Floor un petit objet culte, parfaite illustration d’une sous-culture tout à fait passionnante.

Titre original : Leave It on the Floor

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Durée : 105 mn


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