Le western américain des années 70

Article écrit par

Avant sa raréfaction progressive des écrans, le western connut une évolution étonnante dans les années 70.

L’intronisation du Nouvel Hollywood fut l’occasion de malmener et redéfinir la notion de genre et le western n’y fit pas exception. Le contexte s’y prêtait et le travail avait été fait en amont par d’autres œuvres. Le western spaghetti par son extravagance, sa théâtralisation et ses excès avait déjà donné une autre image de l’Ouest à laquelle Sergio Leone donna un tour définitif en croisant son amour western classique et éléments du genre qu’il contribua à créer avec son Il était une fois dans l’Ouest. Sam Peckinpah offrira également un enterrement de première classe au western d’antan (notion nostalgique amorcée dès ses premiers film, New Mexico et Coups de feu dans la Sierra) où valeur « à l’ancienne » rencontre une imagerie de la violence inédite dans La Horde sauvage.

Alors que ses maîtres signent leurs dernières œuvres (Les Cheyennes pour John Ford, Rio Lobo pour Howard Hawks notamment), le genre entame donc une étonnante transformation. L’esthétique hippie à la mode imprègne l’atmosphère d’un récit classique dans L’Homme sans frontières, les mythes sont déboulonnés de leur piédestal dans Tom Horn ou encore Pat Garrett et Billy The Kid. La veine pro-indienne amorcée dès les années 50 prend un tour caustique et virulent dans Little Big ManLe Soldat bleu ou l’inclassable Fureur Apache de Robert Aldrich. La comédie décontractée contamine même le genre avec Butch Cassidy et le Kid sans parler de la farce de Mel Brooks Le Sheriff est en prison. C’est finalement Clint Eastwood qui résume le mieux le genre, s’inspirant de son expérience européenne chez Leone dans son ténébreux L’Homme des hautes plaines, auquel il ajoute une dimension surnaturelle avant de revisiter le classicisme d’antan via un regard personnel avec le magnifique Josey Wales hors-la-loi. Cette décennie offrit les derniers soubresauts d’un genre, désormais plus intermittents, Impitoyable, Danse avec les Loups ou le récent True Grit en étant les plus marquants.

Bonne lecture avant un prochain Coin du cinéphile consacré aux différentes visions de l’enfance au cinéma.

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…