Le Médecin de famille

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Film troublant sur la permanence du mal.

Patagonie, 1960. Helmut Gregor, médecin allemand, rencontre Eva, Enzo et leurs trois enfants sur la route de Bariloche où ils s’apprêtent à ouvrir un hôtel. Malgré la méfiance d’Enzo, sa femme va le laisser s’immiscer dans leur vie, allant jusqu’à lui confier la santé de leur fille de douze ans, Lilith, trop petite pour son âge. Le jour où il apprend qu’Eva est enceinte de jumeaux, son intérêt pour cette famille ne fera que s’accroître. Car Helmut Gregor est en réalité Josef Mengele, « l’ange de la mort » d’Auschwitz.

Adapté de son propre livre, Wakolda (2013), Le Médecin de famille est le troisième film de Lucia Puenzo. La réalisatrice y explore à nouveau le monde de l’enfance, au moment funambule où le corps hésite encore à basculer dans l’adolescence et ses errements. Dans XXY (2007), Alex, hermaphrodite, était à la recherche de son identité sexuelle, tandis que Lala vivait une passion lesbienne dans El Niño Pez (2009). Ici, c’est Lilith, adolescente dans un corps de fillette, qui devient un objet de fascination et d’expérimentations pour un homme plus âgé. Mais cette fois, la Lolita est aux prises avec un vrai monstre. Comme Guillermo del Toro avant elle, la réalisatrice adopte le point de vue d’un enfant pour métamorphoser un sujet historique en un inquiétant conte de fée.

Le portail de l’hôtel une fois franchi, la famille entière pénètre dans un royaume où le mal continue de s’épanouir en toute quiétude. Bariloche est une contrée lointaine, hors du temps vécu, entourée d’une forêt profonde peuplée d’animaux féroces dissimulés sous les traits d’enfants aux nattes claires tout droit sortis du Village des Damnés (John Carpenter, 1995). Sa différence fera de Lilith leur proie, comme elle le sera de l’ogre Mengele, avide de chaires fraîches nécessaires à ses expériences « scientifiques ». Obsédé par sa volonté de créer des êtres parfaits, dénoncée par ses carnets remplis de croquis anatomiques, il transforme son antre en usine de poupées. Sous les yeux de Lilith, les petites poupées mapuche que confectionnaient son père, se changent en figüren standardisées blondes aux yeux bleus ; des jambes, des yeux, des cheveux, des créatures en kit, derrière la chaîne de production s’esquisse l’univers concentrationnaire. Ces images, ajoutées à la lumière automnale et aux décors étouffants, entre une Deutsche Schule aux airs de forteresse gothique et un hôtel familial qui évoque l’Overlook, créent un malaise insidieux qui affleure à chaque plan du film. Ce conte noir, où rôde la figure maléfique du roi des Aulnes, réussit à évoquer l’horreur du nazisme et laisse une sensation de malaise.
 

Titre original : Wakolda

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Durée : 93 mn


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