Lara Jenkins

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Elle voulait jouer du piano debout.

Vingt-quatre heures dans la vie de Lara Jenkins (Corinna Harfouch), si peu et pourtant toute une vie qui se découpe. C’est ce qui ressort du deuxième long métrage de Jan-Ole Gerster (après Oh Boy), à travers ce beau portrait d’une femme, le jour de son soixantième anniversaire et de sa tentative de se rappeler à la présence (à la vie) de son fils (Tom Schilling), qui donne à cette même date son premier concert de pianiste. C’est l’occasion pour sa mère, dont on appréhende progressivement l’immense investissement et le transfert qu’elle a projeté dans cette activité de pianiste de son fils, de se mettre en tête d’acheter toutes les places de concert, comme autant de tentatives de raccorder les ponts avec celui-ci et de tenter d’exister elle-même. Car sa façon d’être au monde est sèche, on le sent déjà dès l’ouverture du film, dans un plan d’aube comme plombé par la solitude. Lara Jenkins est froide, distante, filmée comme telle, à l’image des plans d’ensemble répétés qui l’isolent et semblent accentuer sa raideur. Son expression contenue se coule dans les tonalités blanches de l’image et un Berlin en demi-teintes.

Lara, incarnée avec talent par Corinna Harfouch, apparaîtrait de toute part comme antipathique (les scènes qui se suivent avec ses relations sociales vont dans ce sens et dressent un portrait d’elle souvent peu flatteur) si le cinéaste ne peignait en filigrane, par superposition et petites touches, un autre portrait de Lara : celui des ratés d’une vie, d’une passion pour le piano inaboutie, et des conséquences de ces fêlures dans sa relation aux autres, particulièrement à son fils. Le film prend le temps pour laisser affleurer cette profondeur du personnage, qu’il cherche à contenir dans sa distance au monde ou encore dans son humour bien senti. L’œuvre apparaît alors comme l’éclosion d’une chrysalide libérée de la répression de ses traumatismes. Déjà la journée est passée, Lara a soixante ans révolus, et Jan-Ole Gerster aura conduit son personnage en apparence éloigné des émotions vers un chemin plus escarpé, d’où s’échappent des notes tristes mais des plus incarnées.

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Durée : 98 mn


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