Allemagne, 1939. La Mort a une histoire à raconter. Habituée à fuir les vivants, elle s’est néanmoins prise d’affection pour Liesel Meiminger (Sophie Nélisse), rencontrée au moment même où elle venait pour son petit frère. Dès lors, intriguée par cette jeune orpheline, elle va l’observer de loin ; de son arrivée à Molching chez Rosa et Franz Hubermann (Emily Watson et Geoffrey Rush), ses parents adoptifs, jusqu’à son amitié avec Max, jeune juif venu se réfugier chez eux. Mais elle sera surtout le témoin de sa rencontre avec les mots, leur pouvoir et leur magie, à une époque qui les voit corrompus ou brûlés dans les flammes des autodafés.
Assez mal écrit, trop long, le livre porte bien le qualificatif de pavé tant il peut, d’un seul coup, assommer d’ennui. Si l’adaptation est souvent assimilée à une trahison, dans le cas présent, c’est une bonne nouvelle car le film est moins soporifique que son modèle. Ce qui ne l’empêche pas de souffrir d’autres défauts, bien plus gênants. Si Hollywood a toujours su livrer des films soignés, léchés, prêts à l’emploi, celui-ci en est un bon exemple qui mise tout sur la joliesse de sa réalisation par peur de son sujet. Les films qui se déroulent au moment de la Seconde Guerre mondiale se heurtent tôt ou tard au même problème : la Seconde Guerre mondiale. Brian Percival contourne l’obstacle et réussit le tour de force de montrer le nazisme…sans le nazisme.
Un portrait d’Hitler, une chorale de blondinets s’égosillant sur le Deutschland über alles, un juif tabassé et une vitrine cassée, Percival a coché toutes les cases du kit Troisième Reich à usage du cinéma commercial. Toutes ces images d’Epinal ne sont que des coquilles vides, réduisant le nazisme à un objet décoratif vidé de sa signification. La vérité, c’est que ce film est désolant de naïveté, rien d’autre qu’un livre d’images mignon tout plein. La ville de Molching est une boule à neige où les flocons tombent en tourbillonnant sur les cheveux des enfants au rythme des violons de John Williams, choix très malin qui opère dans la conscience du spectateur la synthèse entre les films du Steven enfantin et du Spielberg adulte. A Molching, situé à quelques kilomètres de Dachau, personne ne porte de vêtements troués et tout le monde a le droit de marcher sur les trottoirs. Même la maison des Hubermann, ouvriers modestes, est si charmante qu’on s’attend à y voir Charles Ingalls. Bienvenue dans le Troisième Reich version Père Castor.
Comme chez le rongeur conteur, les bons et les méchants sont identifiables au premier coup d’œil, ou faudrait-il plutôt dire au premier coup d’oreille. Liesel, sa famille et ses amis parlent un anglais teinté d’accent germanique ponctué de « ja, nein, ach » pour faire couleur locale alors que les nazis parlent allemand. Mis à part ces créatures en uniforme moutarde ou en pardessus en cuir, les autres Allemands sont très sympathiques. Le scénario a évacué les figures malveillantes comme le fils des Hubermann, fervent partisan du Parti alors même que sa présence, concomitante à celle de Max aurait pu créer une tension dramatique, absente du début à la fin du film. Pauvre Max qui, de boxeur dans le livre, devient juste le juif à cacher, simple victime à qui Liesel lit, ô ironie, L’Homme Invisible. « C’était une époque d’extrême danger et d’horreur, mais ce sont tous les actes de bonté qui m’ont inspiré » disait l’écrivain. De cette phrase, le scénario n’a gardé que la seconde partie, faisant même de la Mort une chose facile et propre.
Privé de réels enjeux, long et monocorde, La Voleuse de livres n’est ni pour les adultes qu’elle agacera, ni pour les enfants qu’elle ennuiera. Si au moins, il pouvait donner envie de lire.