HH, Hitler à Hollywood

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Maria de Medeiros et Micheline Presle au coeur d´un complot visant le cinéma européen ? On en redemande !

Le cinéma est une industrie. Ce n’est certes pas glamour à dire, mais c’est une réalité. Le parc de salles obscures est un marché à occuper sur lequel règne une concurrence pas nécessairement loyale, où le plus fort à beaucoup de chances de l’emporter à coup de millions en plan com’ et d’invasion des salles par le même produit. C’est globalement le cinéma américain qui se taille la part du lion – encore que quelques Français bien intentionnés empruntent des chemins similaires (Besson, Boon…). Jouer les poils à gratter au sein même de cette industrie est donc assez jubilatoire.

Le réalisateur Frédéric Sojcher a voulu raconter les prémisses de cette histoire qui remonte déjà à la Seconde Guerre mondiale. Plutôt que l’enquête-documentaire sur le sujet – professeur et historien, il a pu exploiter cette veine-là avec ses ouvrages ou son documentaire Cinéastes à tout prix en 2004 – il préfère imaginer une histoire folle et réjouissante dans laquelle la fiction est largement dépassée par la réalité.

« Le cinéma européen, est-ce que ça existe encore ? Est-ce que ça n’a pas disparu avec la Seconde Guerre mondiale ? »

Dans HH, Hitler à Hollywood, l’actrice et réalisatrice paneuropéenne Maria de Medeiros – mais essentiellement connue pour son rôle dans Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994), paradoxe finement exploité par le film – interprète son propre rôle, comme la plupart des acteurs participants d’ailleurs. Elle tourne un documentaire sur la star Micheline Presle (herself). Entre confidences et potins un peu datés, l’icône du cinéma français lui confie sa dernière volonté : revoir le premier film d’un réalisateur disparu dans lequel elle a tourné. Maria de Medeiros part donc sur les traces du mystérieux Luis Aramcheck. Plutôt que son premier film, Je ne vous aime pas, elle découvre l’étrange bande-annonce de son second long métrage : HH, Hitler à Hollywood. Constituée d’images d’archives, elle montre le sénateur américain McBridge aux côtés de la plupart des grands dirigeants européens à des moments clefs de l’après-guerre. Un lien semble s’établir entre la disparition d’Aramcheck et lest traités exigeant la large diffusion des productions américaines dans les salles européennes. Mais l’enquête de Maria de Medeiros est semée d’embûches et devient de plus en plus périlleuses. Aurait-elle sans le savoir déterrer un lourd secret ?

 

On l’aura compris l’Histoire chez Frédéric Sojcher ne suit pas le déroulement des manuels scolaires, mais se veut palpitante et haletante : recherches et enquête, filatures et espion qui vous guette au pied de l’hôtel, explosions et courses poursuites rythment le film. De réalisatrice, Maria de Medeiros se mue en femme de terrain à mi-chemin entre Tintin et James Bond pour faire éclater la vérité. La référence à l’univers de la BD est d’ailleurs avouée par le réalisateur jusque dans le traitement de l’image mettant en avant les personnages centraux par des couleurs vives et laissant le fond s’évanouir dans des nuances de gris. Passée une brève mise au point théorique malicieusement contée par l’historien du cinéma Marc Ferro, l’Histoire se fera dans l’action. Caméra au point, constamment filmée par son assistant, Maria découvre les choses sous nos yeux, en même temps que nous. Le procédé permet une spontanéité simulée, mais une réelle complicité avec le spectateur. S’adressant à la caméra, c’est donc tout autant à son caméraman qu’à nous que Maria distribue ses clins d’œil.
Enchaînant les scènes à un rythme trépidant, Sojcher donne au film un ton résolument comique. De quasiment tous les plans, Maria de Medeiros est un trublion aussi sympathique que survolté, secondé dans son rôle par des caméos aussi nombreux que prestigieux (Nathalie Baye, Manoel de Oliveira, Arielle Dombasle, Wim Wenders, Bruno Solo…), tous largement supplantés par une Tonie Marshall (fille de Micheline Presle et réalisatrice de Vénus Beauté Institut, Vénus et Apollon…) surexcitée et hilarante. Alors bien sûr, offrant tant de pistes et d’effets de manches, le film patine un peu pour renouer tous ses fils. Mais qu’importe la possible artificialité de la résolution, on en sort conquis.

Intelligent, plein d’action et de suspense, pédagogique, drôle et attachant… la référence à Tintin n’est décidément pas volée. Frédéric Sojcher propose un cinéma largement populaire, sans prendre son spectateur pour une larve uniquement capable d’avaler du film jetable et prémâché. Mêlant finement fiction et réalité, HH et Maria de Medeiros nous mènent par le bout du nez. Et on aime ça…

A lire aussi l’interview de Frédéric Sojcher.

Titre original : HH

Réalisateur :

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Genre :

Durée : 87 mn


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