El Campo

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En installant un petit couple avec enfant à la campagne, Hernán Belón instille peu à peu un climat inquiétant et étrange, sorte de métaphore sur les faux bienfaits de la nature sur le comportement des êtres humains.

Pour son premier long-métrage de fiction, Hernán Belón n’a pas choisi la facilité en optant pour le film psychologique entre Bergman et thriller – et il s’en sort plutôt bien. Lorsqu’avec sa femme, ils attendaient leur premier enfant, le réalisateur raconte qu’il eut très peur, se sentant sans religion, sans assurance, sans solidité affective. Plutôt que de se lamenter, et comme pour exorciser cette angoisse existentielle, il la mit en scène en choisissant une situation extrême et sans doute invivable pour les citadins que nous sommes devenus. Un jeune couple avec une toute petite fille se retrouve dans une maison isolée de tout, en pleine campagne (d’où le titre) et l’angoisse qui ne les assaillait pas à Buenos Aires les prend ici de front. Le couple se trouve alors confronté à une sorte d’éclatement. C’est cette histoire que raconte ce beau film, à la fois sobre et tendu, aux couleurs sombres et dramatiques grâce au travail précis du directeur de la photographie, Guillermo Nieto, qui a éclairé récemment Un amor et Le voyage de Lucia. *

La lumière crépusculaire et les tons assombris comme par l’effet d’un orage ou d’une tourmente ne conviennent pas généralement aux films se déroulant à la campagne. Mais ici, ils contribuent à rendre le lieu encore plus menaçant sans que l’on sache trop bien pourquoi. Sans doute, la proximité d’un couple de vieux voisins trop polis pour être honnêtes et une maison délabrée que, peu à peu, le couple ne va plus pouvoir envisager de rénover.

 

 

Le réalisateur a choisi deux excellents acteurs : Leonardo Sbaraglia, avec lequel Hernán Belón avait déjà travaillé dans un groupe de théâtre espagnol, et Dolores Fonzi, qu’il ne connaissait pas encore mais qui l’intéressait justement parce qu’elle est elle-même mère et qu’elle lui semblait parfaite de maîtrise et de professionnalisme pour incarner une femme que la maternité a perturbée. « Dolores avait eu un enfant un an et demi auparavant et cela allait être son premier travail après tout ce temps de la grossesse et des premiers mois du bébé. Elle m’a paru parfaite pour ce que je voulais. Et bien sûr, c’est en plus une grande actrice, belle et mystérieuse. Elle a fait un très joli travail pour composer le rôle d’Elisa. »

Le film commence comme un film presque sentimental, mettant en scène un couple avec enfant s’installant à la campagne. On voit une partie de leur voyage en voiture, mais les couleurs du film, la musique et une sorte de malaise venu d’on ne sait où commencent à s’immiscer, puis montent en puissance crescendo. El campo est construit comme une partition musicale et, par petites touches, le réalisateur parvient peu à peu, et sans effets spéciaux, à instaurer un climat à la Rosemary’s Baby, voire Les Autres, mais sans fantômes, ni vampires, ni serial killers. Il montre bien que tout se passe dans la tête des protagonistes, comme si la campagne devenait une menace pour ce jeune couple qu’on appellerait en France des bobos, comme si le retour à la terre annonçait des souffrances et des renoncements qui font que le malheur se retourne sur les deux personnages qui n’ont plus d’autre alternative que de périr ou de retourner en ville. Nous ne dévoilerons pas la fin du film, mais sachez qu’il conduit sinueusement mais d’une manière décidée vers une conclusion non convenue. « J’ai longtemps hésité à situer l’histoire à la montagne, dans une maison entourée de forêt, mais je me suis finalement décidé pour la campagne, parce que sa platitude, son calme apparent te confrontent plus encore à ce que tu es, seul face à toi-même. Et une telle expérience n’est pas toujours agréable… », constate Hernán Belón. En effet, c’est à vous de voir.

Titre original : El Campo

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Durée : 84 mn


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