DVD « True Grit »

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A l’heure de la sortie sur grand écran de « La Dernière piste » de Kelly Reichardt, est édité en DVD un autre très grand western de cette année. L´un des plus beaux films du premier semestre 2011.

L’un des plus beaux car True Grit des frères Coen revisite un genre qui, depuis un certain nombre d’années, ne continuait à faire parler de lui que par le biais d’œuvres très mineures. En effet, depuis Impitoyable (Clint Eastwood, 1992) et sa démythification de l’homme de l’ouest, le western ne semblait plus réellement passionner les foules, plus enclines à un cinéma de genre robotique à la Transformers.

True Grit est un grand film, voire l’un des plus grand de la décennie. De ce genre de cinéma de la nostalgie, qui ramène à l’enfance, au temps où l’on jouait encore aux cow-boys et aux indiens, où les gun-fights se réglaient les yeux dans les yeux dans la rue principale de la ville. Mais, plus qu’un plaisir enfantin, ce film est surtout un plaisir cinéphilique. On le sait, les Coen aiment se jouer des genres et des citations, du Grand saut, parodiant les œuvres de Franck Capra à The Barber avec le film noir, leur cinéma est ponctué de figures cinématographiques fameuses qui, telles des fantômes, viennent hanter l’écran. Ce qui change avec True Grit, c’est au contraire la réévaluation d’un genre. Ici, plus de citation mais une copie. Par ce remake de 100 dollars pour un shérif de Henry Hathaway, les frères emmènent cependant leur film au paroxysme du genre, car là où Hathaway n’était finalement qu’un réalisateur de studio, eux semblent porter cette œuvre vers un véritable imaginaire.

© Paramount Pictures France
 
True Grit raconte l’histoire de Mattie Ross, jeune fille dont le père vient de se faire lâchement tuer par Tom Chaney (Josh Brolin). Pour le venger, elle décide d’employer un « homme de valeurs » (Jeff Bridges) prêt à le ramener mort ou vif. Traque à laquelle va se joindre un ranger égocentrique (Matt Damon).

Tourné comme une épopée, True Grit charme par la construction des personnages. Nombre de scènes – nostalgie d’une autre époque racontée par Jeff Bridges – dévoilent des protagonistes romantiques, en proie aux démons du passé comme du présent. Le film distille au fil des voyages et du paysage des bribes d’informations sur chacun, par l’intermédiaire de monologues lancés ici et là, comme pour épater la jeune fille, mais aussi le spectateur d’un genre de film où les hommes à cheval était en effet des « hommes de valeurs ». Mais ce qui fait du film l’un des plus majestueux de notre époque, c’est la direction artistique prise par les frères Coen. Chacune des séquences approche de la perfection, par l’ajustement de l’image, du son, de la lumière et de l’ambiance (sans parler des acteurs, mais là, il faudrait prendre six pages pour en parler). Des premières images du film, s’ouvrant sur un corps mort jusqu’à la folle équipée sauvage de fin, filmée comme un trip onirique, le film entraîne par ses enchaînements et son ironie sur l’humain et sa représentation. Car c’est bien du mythe que parle les frères Coen, celui que l’on raconte aux enfants avant de dormir, celui qui a transmis l’imaginaire de l’épopée westernienne, avec ses vachers et ses shérifs hors du commun. Dans leur film, c’est une Amérique qui se raconte plus qu’elle ne se vit, une Amérique qui se ressent plus qu’elle ne se transmet qui nous apparait. True Grit, plus qu’un simple film de genre, pourrait se targuer d’être ce que Clint Eastwood annonçait à propos d’Impitoyable : « Le dernier des westerns », tant sa remise en forme et son utilisation des codes du genre en font une œuvre de valeur.

Bonus

Revoir ce film sur DVD, quelques mois seulement après sa sortie reste une joie, cette nouvelle diffusion n’enlèvant rien à la puissance, au choc d’ images d’une telle qualité. Tout juste pourrait-on reprocher à cette édition des bonus n’apportant rien de plus au film, mais finalement, face à pareil chef d’œuvre, a-t-on réellement besoin de suppléments ?

DVD édité chez Paramount


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