DVD Ni à vendre ni à louer

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Sortie du DVD de « Ni à vendre ni à louer » chez Ad Vitam, un film somme toute sympathique, malgré cette fâcheuse impression que Rabaté, à travers ses réalisations cinématographiques, perd du style qui le définissait si bien en tant que bédéaste.

De la bulle au cadre : le plaisir du geste…

Nombreux sont ceux qui, à la sortie du film sur les écrans, ont comparé l’univers de Pascal Rabaté à celui de Jacques Tati. Si leur travail respectif sur le geste et leurs références au burlesque peuvent être matière à rapprochement, la comparaison reste légère et les deux univers n’ont finalement pas grand-chose à voir entre eux. Là où Tati réussissait à créer, d’une main de maître, un véritable univers sonore, équilibrant un travail sur la gestuelle avec un réel souci de façonner chaque son, chaque bruit, Rabaté, lui, semble moins à l’aise avec l’art de ne pas trop en dire tout en en faisant beaucoup comprendre. Son inspiration première, à lui, reste la bande-dessinée. Chaque plan du film est maîtrisé, on ressent bien ce souci de planter les personnages dans un cadre et de les faire évoluer au-dedans. Tout l’effort de l’acteur est axé sur le travail du geste. Il en résulte des dialogues très réduits, voire inexistants. Les personnages, tout au long du film, ne s’expriment que par onomatopées : le procédé fonctionne assez mal dans la plupart des scènes, qui manquent de dynamisme. En effet, là où il aurait pu gagner en rythme, le film s’essouffle, faute à un manque d’expressivité dans les gestuelles et mimiques de nombreux personnages qui se limitent alors à la caricature : bons vivants modestes et familles désuètes forment des protagonistes pleins de nostalgie, presque poussiéreux. Au final, Rabaté dessine sûrement mieux ses personnages qu’il ne les dirige devant une caméra.

Du film au DVD : le plaisir de la découverte…

Après Les Petits Ruisseaux, Ad Vitam a donc pris en main l’édition DVD du deuxième long métrage du même Pascal Rabaté, Ni à vendre ni à louer. On se retrouve finalement avec une sortie DVD peu ou prou aussi décevante que le fut la sortie en salles du film en juin 2011. Pourtant, l’esprit bande-dessinée que possède le film aurait pu encourager un certain souci d’originalité dans la structure même du DVD, qui nous propose plutôt un chapitrage à la va-vite et un contenu assez navrant. Le spectateur ne découvre rien de plus sur l’univers du film, ni sur celui de Rabaté cinéaste-bédéaste. Preuve en est si l’on s’intéresse de plus près aux compléments : dans la séquence d’introduction coupée, on retrouve certains personnages secondaires du film, évoluant en protagonistes d’une scène qui aurait dû introduire le long métrage et qui apparaît finalement comme un mini-sketch se suffisant à lui-même. Scène qui contraste avec le reste du film, usant d’un humour assez pesant, presque trop lourd. Avec ce genre de proposition, quasi ludique, en guise de bonus, on est à deux doigts de l’esprit bêtisier. Plutôt décevant.

Le complément "Du storyboard au film" n’apporte ni plus ni moins que ce que son nom indique. Il est ainsi proposé au spectateur de visionner en parallèle les plans issus du film et les plans originaux du storyboard. En soi, l’idée n’est pas mauvaise, mais cette proposition demeure superficielle. Le spectateur reste sur sa faim et ressent vite cette fâcheuse impression de jouer au jeu des sept erreurs entre deux images. Outre les plans posés en comparaison, aucun commentaire ne nous est apporté. La difficulté sous-jacente à de nombreux bonus, et cette édition DVD n’y réchappe pas, pointe le problème du manque de précisions quant aux méthodes de réalisation dudit film. Quel plaisir ressent le spectateur, bien souvent, de découvrir les à-côtés techniques d’un film ! Mais ici malheureusement, sa curiosité se trouvera insatisfaite.

DVD édité par Ad Vitam. Sortie le 1er décembre 2011.
 


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