DVD « L’Incompris » de Luigi Comencini chez Carlotta

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Le bouleversant drame de Comencini est enfin disponible en France.

Comencini entamait avec L’Incompris un cycle de films sur l’enfance et la perte de l’innocence qui allait se poursuivre avec Casanova, un adolescent à Venise (1969) et Les Aventures de Pinocchio (1971). Casanova offrait une vision étonnante du célèbre séducteur en s’attachant à ses jeunes années et montrant comment la décadence de la société vénitienne d’alors (faisant écho à l’Italie du moment) pouvait totalement pervertir une âme pure. Dans la même lignée, Pinocchio conservait l’aspect de fable morale du roman de Collodi dans le parcours initiatique du pantin de bois destiné à devenir un vrai petit garçon.

L’Incompris par sa nature de grand mélodrame s’avère le plus touchant des trois films, explorant une sphère purement intime au-delà d’un quelconque message. L’histoire dépeint le drame d’un enfant condamné à se montrer insensible face à la douloureuse perte de sa mère. Le jeune Andréa doit en effet à la demande de son père cacher à son petit frère la disparition de leur mère afin de ne pas le troubler. C’est là une terrible erreur du père qui suppose que son aîné est le plus solide de ses fils. Toute son attention sera donc monopolisée par son turbulent cadet Milo tandis que Andréa part lentement à la dérive. Le récit nous promène dans une atmosphère de spleen constant accompagnant la solitude et la tristesse d’Andréa. Solitude face à un père plus attentif à Milo, cadet exubérant mais protégé par un jeune âge dont l’insouciance permet de tout surmonter. Tristesse face à la terrible absence maternelle qui ne sera plus jamais comblée. Le jeune Stefano Colagrande (que l’on n’a plus revu dans d’autres rôles ensuite) est poignant dans la contradiction d’indifférence que semble exprimer son visage et le désarroi de son regard.

Une des grandes forces du film est la subtilité extrême apportée pour exprimer cette gamme de sentiments complexes. La musique sobre de Fiorenzo Carpi accompagne les pérégrinations des enfants dans la maison, les états d’âmes dans une neutralité dangereuse par une mélancolie diffuse. Hormis une conclusion bouleversante, le scénario (adapté d’un roman de Florence Montgomery) évite tout rebondissement ou situation trop manifeste qui déséquilibrerait la sobriété du film. Dans cette maison où la tristesse doit être étouffée ou cachée (le père écoutant les bandes de sa femme en cachette), le malaise ne se ressentira que par les regards à la dérobée, les non-dits et l’incompréhension mutuelle. Personne n’est coupable, chacun pense bien faire et accentue le fossé avec l’autre. Il faudra un terrible événement en conclusion pour que le lien se rétablisse avant d’être perdu à tout jamais. Comencini bouleverse définitivement dans ce final (porté par une interprétation intense et sobre d’Anthony Quayle), où son héros renoue avec son père tout en s’apprêtant à rejoindre sa mère pour enfin trouver la paix.

La restauration de Carlotta est très belle, restituant magnifiquement la tonalité estivale et rêvée de la photo d’Armando Nannuzzi. Il est juste dommage de n’avoir accompagné d’aucun bonus l’ensemble (hormis la bande annonce), dans la lignée des belles éditions auxquelles Carlotta nous a accoutumés Dans la même fournée sort également le célèbre Affreux, sales et méchants sur lequel nous étions revenus cet été à l’occasion du Coin du cinéphile consacré à Ettore Scola.

 


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