Darling est une énième adaptation conventionnelle et plate qui parvient toutefois à témoigner de l’horreur vécue par une femme grâce à l’interprétation bouleversante de Marina Fois.
Catherine, surnommée Darling, est un femme d’aujourd’hui, lancée dans le broyeur de la vie. Pourtant elle ne se plaint pas, ne s’apitoie pas sur son sort. Elle vit coûte que coûte, même si ses rêves sont saccagés par la réalité. Voulant garder sa dignité et sa rage de vivre, elle avance.
Ce quatrième long-métrage de Christine Carrière n’est pas un mauvais film mais aurait pu être beaucoup mieux. Adapté du livre de Jean Teulé retraçant la vie atroce de Darling (détestée par ses parents étant enfant, puis battue par son mari jusqu’à la mort), les souffrances surréalistes infligées à cette femme, les moments d’onirisme et d’humour cynique invraisemblables qu’on peut lire manquent dans le film. Le spectateur ne ressent jamais l’envie de quitter la salle, alors que le seul désir du lecteur était de fermer le livre car insensé, insoutenable et inimaginable. Pourtant, Darling est servi par un casting de premier choix et jamais vu. Marina Fois, à contre-emploi, livre une partition émouvante, qui prouve un talent indéniable trop rarement utilisé. Dans ce rôle de tragédienne, elle trouve le ton juste et bouleversant pour restituer les douleurs vécues, et lui insuffler l’espoir qui la caractérise. Car en effet, le personnage est stupéfiant, préférant coûte que coûte vivre, sans se plaindre de sa condition. On ne peut qu’être pris de compassion et traumatisé par son témoignage inconcevable. Toute la force du personnage réside ainsi dans son courage, dans sa velléité à s’attacher au bonheur qui la refuse.
Impuissant devant le propos, la faille du film réside donc dans la forme. La violence qui est toujours hors-champ est un choix raisonnable et judicieux, mais encore faut-il savoir le restituer à l’écran. Le plus décevant s’avère être le travail d’adaptation, trop linéaire, plat et conventionnel pour satisfaire les cinéphiles. Une adaptation sur grand écran n’est pas chose facile et le dépassement de certains codes désuets est le bienvenu. Paradoxalement, Christine Carrière déçoit autant qu’elle fait preuve d’audace. On reste surpris et ravi devant ses élans d’inventivité, malheureusement vite amoindris par un enlisement dans la banalité et le classicisme. Par exemple, prenant à contre-pied l’éternelle voix-off, elle fait parler son personnage à travers la CB qu’utilise Darling. Ne voyant pas le destinataire, écoutant ses paroles témoins de son rêve et de son désarroi, on peut penser qu’elle s’adresse à nous. Cette trouvaille dynamique est une feinte à la narration monotone. Alors pourquoi ajouter une voix off ? La réalisatrice ne prend pas suffisamment de risques et ne s’autorise pas à perdre ou à brouiller le spectateur. Son récit suit chronologiquement la vie de Darling, n’immisçant aucune piste de compréhension ou hypothèse dans sa vie antérieure, dans les déclarations haineuses de sa mère, les coups de son père et globalement le manque d’amour envers l’enfant. S’enfermant dans une banale réalisation, les dialogues sont eux aussi décevants, voire énervants par leur platitude.
Darling est un film en demi-teinte, plat, peu audacieux d’un côté et traumatisant de l’autre grâce à l’histoire réelle de Catherine. Le seul point d’orgue reste la performance de Marina Fois, crédible dans on rôle de femme déboussolée, se battant à tout prix pour vivre.